Homelies

Paroisse Saint Thomas de Rochebrune

Les homélies du dimanche

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Sixième dimanche de Pâques — La Révolution de l'Amour

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Si Jésus est ressuscité, c’est pour nous faire ressusciter avec Lui. En ce temps de Pâques, dimanche après dimanche, nous méditons sur la richesse du don de Dieu : la nouvelle Vie qui nous est proposée dès maintenant, et qui se prolongera en Vie éternelle. La Résurrection de Jésus nous entraîne dans une nouvelle manière de nous comporter, de vivre : les chrétiens sont déjà entrés dans l’Éternité, et cela doit se voir à leur façon de vivre !

Voilà donc les paroles de Jésus, si riches, que nous rapporte l’Évangéliste saint Jean. Ces paroles ont été dites avant sa Passion, mais elles sont à méditer dans la lumière de la Résurrection. Jésus nous parle d’amour, et nous redit quelle est cette nouveauté de la vie chrétienne : une vie conduite par l’amour, une vie qui ressemble à celle de Jésus Lui-même. Il a vécu par Amour, Il est mort par Amour, et Il nous donne sa Résurrection, toujours pour que nous vivions de ce même Amour dont Il nous a aimés. Saint Jean nous l’a encore dit dans la deuxième lecture : « Ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu : c’est lui qui nous a aimés le premier ». Mais l’amour, nous le savons, c’est un mot qu’on emploie sans cesse, à temps et à contretemps… Alors qu’est-ce que cela veut vraiment dire, quand on parle de l’Amour de Dieu ?
D’abord, dans notre vie, il y a un grand mystère qui nous blesse : c’est le mystère du mal, de la mort, de la souffrance. On ne peut pas faire semblant de ne pas y penser : tous, nous sommes touchés, meurtris, scandalisés, par des épreuves liées à ce mystère. Il y a des deuils, des souffrances, des séparations, des agressions, qu’on ne comprend pas ; et on ne sait pas comment nous comporter face à cela. Or la réponse que nous propose le Seigneur, l’unique manière de réagir, c’est justement l’Amour. Ou plutôt, le terme spécifiquement chrétien, c’est la Miséricorde : c’est l’action volontaire qui conduit au cœur [“-corde”] et qui transforme la relation. Seule la Miséricorde, parce qu’elle vient du Seigneur, peut nous conduire vers un chemin de vie.

Quand on veut vaincre le mal, en général, il faut d’abord identifier la source du mal. Par exemple, le médecin doit trouver l’origine de la maladie, la bactérie ou le virus qui en est la cause ; et puis après, on “fait la guerre” au virus, on emploie des médicaments puissants (ou la chirurgie) pour se débarrasser de l’agresseur. Si on y arrive, le mal est vaincu, la santé revient. Quand il s’agit d’un mal spirituel qui touche les hommes, on a tendance à avoir le même réflexe : il faut chercher la source du mal, telle ou telle personne dont on pense qu’elle est responsable des problèmes. Et puis cette personne devient le “bouc émissaire”, on lui met tout sur le dos… et on essaie de s’en débarrasser, y compris par la violence ! L’histoire du monde est pleine de ces boucs émissaires qui ont souffert sans raison : l’homme est tenté de soigner le mal par un mal plus grand, par la vengeance et par la haine. Si nous sommes honnêtes, nous devons reconnaître que cette tentation ne nous épargne pas : nous aussi, nous trouvons facilement des boucs émissaires pour expliquer nos ennuis !
Or justement, ce que nous apporte le Christ, c’est un changement en profondeur. Le mal n’est plus soigné par un autre mal, mais par un surcroît de Miséricorde et d’Amour. C’est ainsi que le Christ Jésus est venu soigner notre péché, en prenant sur Lui tout le poids du Mal : Il a aimé jusqu’au bout et Il a vaincu le mal et la mort. Nous aussi, nous pouvons participer à cette Victoire, en aimant jusqu’au bout, en mourant et en ressuscitant avec Lui.

Être chrétien, disciple du Christ Jésus, c’est donc exactement cela : se laisser transformer en profondeur, pour accomplir notre vocation de Miséricorde. C’est une véritable révolution ! La première loi désormais, c’est ce que nous dit Jésus : « Aimez-vous les uns les autres, comme je vous ai aimés ». Car « ce n’est pas nous qui avons aimé Dieu : c’est lui qui nous a aimés le premier ». Vivre dans la Miséricorde, c’est une transformation qui vient de la Grâce du Seigneur (et de notre Baptême). Sans Jésus, sans le don de l’Esprit Saint, nous sommes complètement incapables d’aimer ! On voudrait nous faire croire que l’homme est naturellement “sympa”, tolérant, démocrate… Mais c’est une illusion, sans la force de l’Évangile. Notre cœur nous apprend que nous sommes blessés par le péché ; et donc tentés d’être égoïstes, violents, tyranniques. Les violences qui se répandent autour de nous, les agressions et les assassinats, nous montrent hélas ce dont l’homme est capable, s’il n’est pas guidé par la Miséricorde du Seigneur.

Jésus seul est la source de tout Amour, de toute Miséricorde : Lui seul nous entraîne à sortir de la haine et du conflit par l’Amour, par le pardon. Que nos vies soient transformées par la présence du Christ, et nous apprendrons à aimer. « Dieu est amour », écrit saint Jean : devenons des images de Dieu, pour que le monde apprenne à aimer !

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Cinquième dimanche de Pâques — Puissance de la Résurrection dans nos cœurs

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Jésus est la vigne, nous sommes les sarments ; sa Vie, nous la recevons si nous restons liés à Lui comme à la source. En ce temps de Pâques, temps de Résurrection, c’est la Vie de Jésus qui nous est donnée comme le plus grand des cadeaux de Dieu. Le Christ est ressuscité pour nous faire participer à sa Résurrection : comme les membres de son Corps, comme les rameaux de la vigne. Il n’est pas ressuscité juste pour nous montrer qu’« Il est le plus fort » : la Résurrection est le plus merveilleux des miracles, parce que nous y sommes associés. C’est pour cela que le temps de Pâques dure si longtemps (sept semaines jusqu’à la Pentecôte) : pour nous aider à prendre conscience qu’avec Jésus, nous sommes ressuscités ; et que la Résurrection doit rayonner à chaque moment de notre vie.

Jésus est donc ressuscité, Il a vaincu la mort. Mais pour l’instant, on n’a pas l’impression que l’événement de la Résurrection ait vraiment changé la face du monde. Les morts continuent de mourir, les malades continuent de souffrir… Où est-elle donc, cette victoire sur la mort qui nous est promise ? Pourquoi Jésus, au matin de Pâques, n’a-t-Il pas ressuscité avec Lui d’un seul coup tous les morts ?
La Résurrection est bien la Victoire sur la mort ; mais quand l’Évangile parle de la mort, il ne s’agit pas seulement de la « mort corporelle », celle qui terminera un jour notre vie terrestre. Il y a bien des manières d’expérimenter la mort, telle que nous l’avons héritée avec ce qu’on appelle le « péché originel ». Même si aujourd’hui nous sommes “bien vivants”, nous sommes pourtant déjà blessés par la mort qui est conséquence du péché. Il y en a qui semblent vivants… et qui sont morts, parfois sans le savoir ! On peut mourir par désespoir : celui qui n’espère plus rien, ne vit pas pleinement. On peut mourir par la rancune, par la haine : ne pas vouloir aimer, c’est renoncer à vivre en vérité. On peut mourir par le péché, les mauvaises habitudes, le goût des plaisirs ; on peut mourir par l’incapacité de pardonner, de faire le bien, ou encore par l’égoïsme. Il y a bien des manières d’être “morts”, c’est-à-dire de ne pas vivre comme nous devrions vivre, en enfants de Dieu appelés à la Résurrection.

Or c’est là que le Seigneur agit, c’est justement là qu’Il veut nous ressusciter avec la puissance du jour de Pâques. Nous ne devons pas nous attendre à des prodiges extraordinaires, tels qu’ils sont décrits dans les Évangiles ou dans les Actes des Apôtres : il n’y aura pas nécessairement autour de nous des guérisons de paralytiques, des réanimations de Lazare… Mais que les chrétiens vivent dans l’Amour et l’Espérance, c’est un prodige plus grand que les guérisons corporelles. La Résurrection se passe dans le cœur, dans l’âme, là où le Seigneur habite et accomplit des merveilles.
Si nous connaissons qui est l’homme, ce qu’il y a dans son âme, nous savons très bien qu’il est souvent plus difficile de soigner un cœur que de guérir un corps. L’intelligence humaine a appris à guérir beaucoup de maladies, à faire taire beaucoup de souffrances ; mais combien plus il est difficile de guérir un cœur, de redonner l’Espérance, de conduire un esprit vers le Bien ! C’est un long travail, l’œuvre d’une vie ; en particulier, cela peut être la mission éducative, qui consiste à conduire un jeune vers la liberté et vers le Bien. Redonner un sens à la vie, transmettre une raison d’espérer, transformer un cœur d’homme et le rendre capable d’aimer, c’est une action de la Grâce de Dieu ; ce n’est pas un effet de notre compétence ni de notre intelligence.

La Résurrection nous montre donc que la puissance qui est à l’œuvre est celle de Dieu : Il a ressuscité son Fils Jésus, Il nous ressuscite dans notre manière de vivre au quotidien – et Il nous ressuscitera au dernier jour. Au jour de Pâques, nous avons appris à ne pas placer notre force en nous-mêmes, mais dans la Grâce du Seigneur. Dieu seul peut nous rendre capables de mettre en œuvre l’Amour, le pardon, la réconciliation ; Lui seul nous donne la Miséricorde et la paix. Comme l’écrivait saint Jean [deuxième lecture], « devant Dieu nous apaisons notre cœur ; car [même] si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur ».
Nous ne voyons donc pas de grands prodiges extérieurs, mais nous sommes témoins de la force intérieure de la Résurrection : des cœurs sont guéris, des pardons sont accordés, beaucoup retrouvent l’Espérance dans la prière. Les Saints nous montrent de quoi est capable un cœur converti par le Seigneur : c’est un prodige sans cesse renouvelé qui vient de la Résurrection. Vivons nous-mêmes de cette force, comme les rameaux de la vigne : demeurons fidèles à Jésus ressuscité !

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Troisième dimanche de Pâques — L'intelligence des Écritures

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Dimanche après dimanche en ce temps de Pâques, nous écoutons les récits des rencontres de Jésus avec ses disciples après la Résurrection. Nous n’avons pas assisté à la Résurrection elle-même : personne n’en a été témoin, cela s’est passé dans le secret de la Nuit de Pâques. Mais le Seigneur se montre, Il vient à la rencontre des disciples ; ainsi fait-Il naître la foi qui va conduire l’Église jusqu’à la fin des temps. Le moins qu’on puisse dire à propos de ces récits, c’est que la rencontre de Jésus ressuscité n’emporte pas l’adhésion (ni l’enthousiasme) de tous les disciples ! Lorsqu’Il se montre à certains, comme à Madeleine ou aux disciples d’Emmaüs, on ne croit pas leur témoignage. Et lorsque enfin Il vient vers tous les disciples, qu’Il est présent au milieu d’eux et leur dit : « La paix soit avec vous », ils sont effrayés, bouleversés, croient voir un fantôme ! Cela nous dit clairement (et les Évangiles ne cachent pas) que les disciples ne croyaient pas que Jésus pouvait ressusciter. La Résurrection n’est pas un phénomène d’auto-suggestion, ni une illusion des disciples, qui s’imaginaient tellement quelque chose qu’ils ont fini par le croire… Au contraire : personne n’y croyait, personne ne s’y attendait ! et c’est arrivé quand même, en dépit du manque de foi des disciples.

L’épisode que nous venons d’entendre, dans l’Évangile selon saint Luc, se situe juste après le récit des disciples d’Emmaüs. Les Apôtres et leurs compagnons sont désespérés. Ils avaient cru à un Messie triomphant, et tout semblait s’être écroulé : Celui en lequel ils avaient mis leur confiance était mort, plus personne ne croyait vraiment en Lui. Or Jésus se montre à eux dans la réalité de sa Résurrection : « Voyez mes mains et mes pieds, touchez-moi : c’est bien moi ! ». Mais Il ne fait pas que se montrer à eux. L’Évangile nous dit quelque chose d’essentiel : « Il ouvrit leur intelligence à la compréhension des Écritures ». Dans le récit d’Emmaüs, nous nous souvenons que Jésus fait la même chose avec les deux disciples (qui ont eu ce jour-là une catéchèse unique !) : « Partant de Moïse et de tous les Prophètes, il leur interpréta, dans toute l’Écriture, ce qui le concernait » [24,27]. Jésus, en manifestant sa Résurrection, montre que cet événement de Pâques est l’accomplissement d’une longue histoire : celle des Écritures qui racontent le projet de Dieu.
Devenir chrétien, c’est entrer dans cette longue histoire. Par notre foi, nous recevons la connaissance du projet du Seigneur ; et mieux encore, nous voyons ce projet à l’œuvre dans notre monde. Les Écritures que Jésus explique à Emmaüs, celles qui « ouvrent l’intelligence » des disciples, doivent nous être expliquées, car nous ne les comprenons pas directement. Elles sont porteuses d’une Sagesse qui nous dépasse. Elles annoncent la Victoire du Messie de Dieu ; mais les croyants de l’époque du Christ voyaient cette Victoire comme un triomphe politique, si bien qu’ils ont été désemparés lorsque Jésus a été crucifié. Il a fallu du temps – et la catéchèse de Jésus ressuscité ! – pour qu’ils comprennent le sens des événements terribles auxquels ils ont assisté. S’ils ont si peu cru à la Résurrection, comme Jésus le leur reproche, c’est parce qu’ils avaient une « intelligence des Écritures » qui était limitée, partielle.

Bien sûr, nous ne saurons jamais exactement ce que Jésus a dit à ses disciples pour leur « ouvrir l’intelligence aux Écritures ». Mais Il a certainement dû étendre leur perspective. Ils voyaient un Messie triomphant ; Jésus a dû leur parler aussi des rejets, des refus qui se manifestent chez les prophètes de l’Ancien Testament. Comme saint Pierre le dit au peuple [première lecture], « tous les prophètes avaient annoncé que le Christ, le Messie, souffrirait ». Les prophètes eux-mêmes avaient été rejetés et persécutés ; le prophète Isaïe avait annoncé les souffrances du Serviteur [50,6 ; passage bien connu qu’on lit au Carême] : « J’ai présenté mon dos à ceux qui me frappaient, et mes joues à ceux qui m’arrachaient la barbe ». Les Écritures se sont donc accomplies pendant la Passion ; et naturellement, elles se sont accomplies de manière merveilleuse par la Résurrection, qui est la Victoire finale. Non plus une victoire militaire sur les ennemis d’Israël (ce n’étaient que des préfigurations), mais la Victoire définitive sur le Mal et la mort. Tous les récits antérieurs nous annonçaient cette Victoire : le Déluge, le passage de la mer Rouge, la Terre promise, étaient déjà des signes de la Résurrection.

Connaître les Écritures, c’est donc découvrir avec émerveillement le projet de Dieu, et la pédagogie avec laquelle Il accomplit ce projet. Quelle vénération nous devons avoir pour ces Écritures qui nous sont transmises ! Dieu a conduit son peuple Israël, Il lui a révélé sa Miséricorde au travers du Mal, de l’infidélité, de la mort, et par sa Victoire : tout s’éclaire dans la lumière de la Résurrection. Entrons nous aussi avec joie dans « l’intelligence des Écritures » !

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Pâques — Ce que change la Résurrection (Baptême d'Eugénie et de Gaspard)

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures de ce Jour très Saint.

Dans ce récit du matin de Pâques, ce qui domine, c’est l’étonnement. On devine que Marie Madeleine, ainsi que les deux Apôtres Pierre et Jean, sont totalement désemparés devant ce qui s’est passé. Ils avaient accompagné Jésus au tombeau (sauf Pierre), ils avaient pris soin de Lui avec amour et respect… et puis voici que la pierre est enlevée, que le corps a disparu. On peut imaginer la panique, l’incompréhension qui les saisit… Mais cette crainte ne durera pas. Jean témoigne qu’il a reçu le don de la foi (« Il vit, et il crut ») ; quant à Madeleine, elle va rencontrer Jésus sur le chemin et le reconnaître comme le Ressuscité.

Toute la foi de l’Église part de ce simple fait : Jésus a disparu du tombeau, Il est ressuscité, Il a vaincu la mort. Personne ne s’y attendait, personne n’invente cette histoire, personne ne pensait cela possible : la Résurrection est l’irruption de la puissance de Dieu dans la vie d’une communauté d’hommes et de femmes, qui étaient désespérés, dispersés après la mort de Jésus. Là où l’homme ne pouvait plus rien, là où il n’espérait plus rien, voilà que Dieu agit et dépasse tous les espoirs. Il y a donc ces faits constatés par les Apôtres, et aussi la rencontre avec des anges qui leur demandent : « Pourquoi cherchez-vous le Vivant parmi les morts ? » [Lc 24,5]. À partir de ces épisodes, c’est la foi de l’Église qui va naître. Comment comprendre ce qui s’est passé ? On a pu émettre beaucoup d’hypothèses contradictoires ; mais la seule explication qui tienne, c’est la Résurrection du Seigneur. Et Jésus va se montrer à ses disciples pendant quarante jours, pour affermir leur foi naissante.
Oui, la foi de l’Église – notre foi ! – vient de cet événement central et unique. L’Église n’a pu grandir, se développer, porter l’Évangile aux quatre coins du monde, que parce qu’elle a reçu la Nouvelle de la Résurrection au matin de Pâques ; et parce qu’elle a été fortifiée par l’Esprit saint à la Pentecôte. Elle se laisse conduire par le Seigneur ressuscité, qui est vivant au milieu de ses disciples [« Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde », Mt 28,20]. Si Jésus n’était pas ressuscité, l’Évangile n’aurait jamais franchi les portes de Jérusalem !

Peu à peu, l’Église a médité et compris le sens de l’événement de Pâques. Si la mort est vaincue, si le Fils de Dieu est sorti du tombeau, alors c’est le péché qui est aussi vaincu. L’homme, éloigné de Dieu, allait vers la mort : car le péché sépare l’homme de sa vocation divine, et donc conduit à la mort. Mais Jésus est envoyé dans le monde pour réconcilier les hommes avec son Père. Après avoir subi sur Lui-même les conséquences du péché, donc la mort [c’est ce que nous avons commémoré au temps de la Passion], Jésus est désormais victorieux par sa Résurrection : Il redonne la vraie Vie, et l’homme réconcilié devient fils de Dieu. La mort est vaincue, le Seigneur est victorieux du péché, l’homme est délivré. Plus rien ne peut nous séparer de l’Amour de Dieu ! L’événement inattendu de ce matin est la source de toute vie et de toute réconciliation.

Le Seigneur veut nous faire participer à cette nouvelle Vie ; et Il le fait, Il nous réconcilie, en nous donnant le Baptême. Il est tellement significatif de célébrer des baptêmes à Pâques : que ce soient les baptêmes d’adultes à la Vigile pascale, ou les baptêmes d’Eugénie et de Gaspard ce matin.
Le Baptême n’est pas seulement un “bain de purification”, comme le font certaines traditions – et comme l’était celui de Jean Baptiste. Le Baptême devient le passage de l’homme, à la suite du Christ, par la mort et la Résurrection. La Résurrection de Jésus a été unique, mais elle n’est pas un événement isolé : nous y participons en passant par l’eau du Baptême. Jésus est comme un “premier de cordée”, qui a voulu traverser nos épreuves jusqu’à la mort, et Il nous entraîne à sa suite dans une Vie radicalement nouvelle : une Vie réconciliée avec Dieu, avec nous-mêmes et avec nos frères. Cette Vie ne se manifeste pas toujours par de grands prodiges, mais par un renouvellement intérieur. Être sauvé du péché et de la mort, c’est recevoir en soi, dans son cœur (par l’action de l’Esprit saint), un ferment de vie qui transforme tout ! Nous devenons porteurs – ces enfants vont devenir porteurs – de la Miséricorde de Dieu, de la réconciliation, du pardon, de la paix. Les baptisés sont des présences de Jésus dans ce monde.

« Si vous êtes ressuscités avec le Christ, recherchez les réalités d’en haut », écrivait saint Paul [deuxième lecture]. Qu’Eugénie et Gaspard, et tous les baptisés de Pâques, lèvent les yeux vers le Seigneur ; qu’ils apprennent à prier, pour que vive en eux la puissance du Christ ressuscité. Ils deviendront témoins de la Victoire du Christ sur la mort, témoins de la réconciliation !

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Nuit de Pâques — La vraie aventure est intérieure (Baptême de Vadim, Gabrielle, Marla)

Avant de lire l’homélie, je peux méditer les lectures de cette Nuit très Sainte.

À travers quelques épisodes de l’Ancien Testament, c’est une bien longue histoire qui nous a été contée en cette Nuit de Pâques ! Un long parcours, un long chemin parcouru par nos ancêtres dans la foi. Une histoire d’actions, d’émotions ; un grand récit tissé de promesses, de fidélité, et aussi d’infidélités… On peut dire que c’est une histoire d’amour qui s’étend sur tous ces siècles : histoire d’amour entre Dieu et l’humanité, en commençant par le récit de la Création. Histoire d’amour particulièrement entre Dieu et un peuple, qu’Il a choisi librement, qu’Il accompagne longuement parce qu’Il a promis de lui être fidèle. Ce peuple d’Israël, le Seigneur en a fait le dépositaire de sa Parole ; et si Dieu est fidèle à ses promesses, du côté de l’homme il y a la faiblesse, l’inconstance, l’incertitude.
D’où vient ce long dialogue entre Dieu et les hommes ? Pourquoi Dieu a-t-Il pris l’initiative de se révéler, de parler à l’homme, et de persévérer même quand l’homme ne répondait pas ? Ce que veut le Seigneur, ce n’est pas affirmer son autorité ou donner des commandements : Il ne cherche pas à régner sur un peuple d’esclaves. Si Dieu parle à l’homme et s’Il agit pour lui, c’est d’abord pour donner son Amour. En Dieu, l’Amour déborde : Dieu est Trinité, donc dialogue infini d’Amour entre le Père, le Fils, le Saint-Esprit. Comme un récipient qui déborde, le Seigneur désire que cet Amour se répande sur toute la Création. Et jour après jour, siècle après siècle, Il continue de donner avec une infinie générosité.

Mais voilà que cette longue histoire d’amour s’achève ce soir avec votre Baptême, Vadim, Gabrielle et Marla. Tout ce que nous avons entendu dans les lectures, c’était juste pour préparer cette sainte Nuit, et le Sacrement extraordinaire que vous allez recevoir ! Ce soir vous pouvez dire en vérité : « Depuis plus de trois mille ans, le Seigneur nous parle… pour que moi, je sois baptisé(e) ce soir ». De la même manière, saint Paul écrivait : « Le Fils de Dieu m’a aimé et s’est livré pour moi » [Ga 2,20]. Ce n’est pas de l’égoïsme, mais de la gratitude ! Il est bon de nous rappeler que le Seigneur a un projet sur chacun de nous personnellement : sur moi, sur toi, sur toi…
Donc pour vous, futurs baptisés, les promesses de Dieu s’accomplissent définitivement ! Non pas, bien sûr, que tout soit fini dans le monde… mais pour vous, tout ce qui précède avait un seul but : vous faire entrer dans le Royaume de Dieu, dans la Réconciliation, la Vie nouvelle ; vous faire renaître et vous donner déjà la Vie éternelle.
Oui, le Baptême est l’accomplissement de toutes les promesses du Seigneur : vous allez ressusciter à la suite du Christ. L’histoire ne s’arrête pas là pour vous : c’est au contraire un nouveau départ. Mais ce que le Seigneur vous donne, vous le recevez dès ce soir en plénitude. En entrant dans la Résurrection par le Baptême, vous devenez des enfants de Dieu, vous accomplissez déjà (même si vous êtes jeunes !) votre vocation d’homme et de femmes ; en un mot, vous ne pouvez rien désirer de plus que ce don. Tout vous est donné, définitivement.

Ceux qui nous précédaient dans la foi (les enfants d’Israël) ont attendu avec espérance ce qui devait leur être donné : et aujourd’hui vous le recevez avec abondance. Il a donc été important pour nous tous, en cette sainte Nuit, de refaire ce long parcours à travers les écrits de l’Ancien Testament. Car chacun des événements, chacune des paroles, a un sens profond : ce soir nous ne relisons pas ces récits comme un roman d’aventures, mais comme des signes cachés du projet de Dieu. Les histoires de la Bible sont pleines de péripéties et de mésaventures ; dans les chroniques du peuple d’Israël il y a des batailles, des morts, du sang, des sacrifices… Il ne s’agit pas de les lire “littéralement” [même s’ils sont pleins d’intérêt pour les historiens], mais de les comprendre en profondeur. Dès le début de l’Église, les premiers théologiens – les “Pères de l’Église” – ont relu tout cela pour y trouver une véritable signification pour la foi chrétienne. Et alors, tout s’éclaire ! Ces histoires anciennes deviennent actuelles, si on les médite dans le silence du cœur. On ne les lit pas comme des histoires, mais on prie avec ces récits ; la vraie aventure, on la vit dans la prière, dans l’intériorité du cœur.

- Nous avons commencé par le récit de la création du monde : l’auteur insiste sur la bonté, la beauté du monde, l’harmonie de la Création, les rythmes réguliers du jour et de la nuit. Nous aussi, faits à l’image de Dieu, nous sommes créés pour l’harmonie et pour la paix. Toute la Création rend gloire à Dieu par son existence ; notre cœur, lui aussi, rend gloire à Dieu. Mais le péché vient souiller notre ressemblance avec le Seigneur, et agite notre conscience comme un vent violent. Dieu nous annonce une Espérance nouvelle : de même que la Création est faite pour la beauté et la paix, il nous est promis à nous aussi de retrouver la paix en nous réconciliant avec le Seigneur. La grâce du Baptême rétablit la paix dans le monde entier, comme Dieu l’a voulu : « Cela était très bon ».

- Ensuite, l’Église nous propose le récit si connu du passage de la mer Rouge : c’est la grande libération de l’esclavage de Pharaon, roi d’Égypte. Cependant, comme le dit saint Paul, « nous ne luttons pas contre des êtres de sang et de chair, mais contre les esprits du mal » [Ép 6,12]. Il ne s’agit pas d’être libérés d’un roi païen, mais du démon, du Mal ! Et c’est ce que fait le Baptême, qui nous fait passer par l’eau comme les Hébreux passent par la mer Rouge. Si nous avons une vie de prière, nous nous rendons compte que le vrai combat se déroule dans notre cœur, entre le Bien et le Mal. Vous qui allez être baptisés, vous serez libérés par la grâce du Seigneur ; mais vous aurez tout de même à combattre, dans la prière, pour que jamais l’égoïsme ne l’emporte en vous.

- Nous avons encore entendu la belle prophétie d’Ézéchiel : « Je vous rassemblerai de tous les pays, je vous conduirai dans votre terre. Je répandrai sur vous une eau pure, et vous serez purifiés ». Comme les Hébreux, nous sommes le peuple dispersé, exilé par le péché, soumis aux disputes, au conflits ; Dieu veut nous conduire à nouveau sur la Terre promise pour y vivre dans la paix et l’unité. Vadim, Gabrielle, Marla, vous allez recevoir « une eau pure » ; et la Terre promise où vous entrez, c’est l’Église où règnent la paix et l’amour fraternel. Soyez les bienvenus parmi nous, et donnez à tous vos frères l’Amour que le Seigneur vous offre aujourd’hui ; pour que notre communauté soit signe de réconciliation dans le monde.

Enfin, l’Évangile comble notre attente : « De grand matin, le premier jour de la semaine », Jésus est ressuscité. Les promesses se sont accomplies ! Le mal et la mort sont vaincus, l’homme devient fils de Dieu, la paix et la réconciliation sont données. C’est dans le cœur que le Seigneur agit, pour nous transformer et nous renouveler à l’image de Jésus.
Vadim, Gabrielle, Marla, continuez donc d’apprendre à prier – dans le silence du cœur – pour devenir de plus en plus enfants de Dieu. Aujourd’hui, vous êtes les héritiers de trois mille ans de promesses et d’amour ; Dieu vous donne tout ce que vous attendiez, tout ce que votre cœur désire. Vous n’avez plus rien à espérer ! Remercions le Seigneur pour ce don, et faisons vivre en nous le don de la Vie éternelle.

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Vendredi Saint — Peut-on imiter Jésus ?

Avant de lire l’homélie, je médite le récit de la Passion du Seigneur.

C’est une histoire terrible que nous raconte ce long récit de la Passion selon saint Jean. Une histoire hors du commun, pleine de cruauté, de haine, de jalousie. Jésus est passé par des supplices qu’on a du mal à imaginer, et que nous, probablement, n’aurions pas pu supporter ! Il montre le chemin aux grands martyrs de la foi, ceux qui se sont fait massacrer, lapider, tailler en pièces pour l’Amour de Dieu. La foi en Jésus restera marquée à jamais par les souffrances que nous venons d’entendre. Être chrétien, depuis deux mille ans, c’est contempler ces événements… mais aussi, souvent, avoir de la difficulté à les comprendre.

Les Évangiles accordent une place essentielle au martyre de Jésus ; et l’Église en fait même le centre de l’année liturgique, avec la Semaine sainte. Nous entendons ce qui s’est passé, et cependant nous avons du mal à nous y reconnaître. En quoi tout cela nous concerne-t-il ? Nous ne sommes pas des martyrs, nous ne sommes pas des héros ; et il n’y a peut-être pas grand-chose dans notre vie qui soit sublime ou atroce comme la Passion du Christ… Qu’avons-nous en commun avec Jésus, et pourquoi nous rappelons-nous avec tant de régularité les événements du Calvaire ?
Pourtant, être chrétien, c’est bien être disciple de Jésus, et imiter Jésus : pas nécessairement dans son supplice, mais au moins dans sa manière d’être. Ce qui compte dans le récit de l’Évangile n’est pas de décrire minutieusement toutes les plaies et toutes les souffrances du Christ, mais plutôt de méditer sur la raison pour laquelle Jésus a traversé ces épreuves. Quelle est son attitude, quel est son comportement, comment pouvons-nous comprendre ce qui s’est passé ? Nous voyons parfois Jésus parler, répondre à ses adversaires (par exemple à Ponce Pilate), et à d’autres moments, Il se tait et laisse les accusateurs Le condamner.

Ce qui conduit Jésus en ce jour de sa Passion, c’est d’accomplir jusqu’au bout le don de l’Amour : c’est pour cela qu’Il a été envoyé par son Père, c’est ce qui transparaît à chaque instant de sa vie. Il va tout donner, Il va se donner par Amour pour chacun de nous. C’est pourquoi Il parle quand c’est utile pour témoigner de la Miséricorde de Dieu ; et Il se tait quand la parole devient inutile, et lorsque c’est l’Esprit qui parle par ses actes. Jésus ne veut qu’une seule chose, c’est montrer que sa Miséricorde est infinie : donner son Amour, et donner sa vie par Amour.
En cela, nous pouvons imiter Jésus ! Il se donne par Amour, et nous pouvons nous aussi nous donner à nos frères, pour l’Amour de Dieu. Ce ne sera pas nécessairement par une souffrance identique à celle de Jésus, mais par l’attitude qui est la sienne : attitude du don, du pardon, attitude de la Miséricorde – et même si nous ne pouvons pas beaucoup agir, nous pouvons toujours donner de l’amour. N’oublions jamais qu’à la source de la mission du Christ, il y a une vie intense de prière (il passait des nuits entières à prier son Père, nous dit l’Évangile). Nous avons, nous aussi, besoin d’une vie de prière, d’une vie intérieure, pour que le don de Dieu soit manifesté dans nos vies.

La Passion du Christ est le don suprême de l’Amour. Nous la méditons en ce Vendredi saint, pour que notre vie, à la suite de Jésus, devienne un don d’amour. Malgré les contradictions et les oppositions, à la suite de Jésus, ce don nous conduira à la Résurrection.

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Jeudi Saint — L'Eucharistie, la prière, le service

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures de la sainte Cène du Seigneur.

Nous entrons ce soir dans le saint Triduum de Pâques, c’est-à-dire les trois jours qui vont conduire Jésus vers son procès, sa condamnation, ses souffrances et sa mort ; et puis nous serons témoins de la puissance de résurrection du Christ, qui ressuscitera aussi les nouveaux baptisés dans la sainte Nuit de Pâques. Jésus va accomplir toutes les promesses de l’Ancienne Alliance, rendre la vie aux pécheurs, réconcilier le peuple de Dieu. Si nous voulons être disciples du Christ, ces fêtes de Pâques doivent être au centre de toute notre année, car c’est là que tout se passe ; même la grande fête de Noël, en un certain sens, n’existe que pour nous préparer à la joie de Pâques.

Notre foi n’est pas seulement une “croyance”, comme certains se qualifient de “croyants”… avant d’ajouter qu’ils ne sont “pas pratiquants” (ce qui veut dire que leur croyance ne change rien à leur vie). Si nous sommes croyants en ce Dieu qui nous sauve par son Fils, le Mystère du Salut est essentiel pour nous, et transforme notre existence. La foi en Jésus mort et ressuscité unifie toute notre vie : comme le point central autour duquel tout est ramené. Les chrétiens ne peuvent pas séparer leur vie en plusieurs parties : croire en Quelqu’un, proclamer le Credo, c’est aussi le proclamer par notre manière de vivre, de choisir, de prier, de nous orienter, d’entrer en relation avec les hommes. Professer que Dieu est Amour tout en vivant dans la haine et la rancune, ce serait évidemment une terrible hypocrisie.
Nous avons à centrer notre vie sur Jésus, et à montrer aux hommes une foi simple et solide. Le monde contemporain a besoin de convictions ; sinon, « tout se vaut », le bien et le mal finissent par être confondus… Si chacun garde sa petite vérité dans son coin, il n’y a rien de commun entre les hommes, plus rien ne guide notre comportement : le monde devient un champ de bataille et la violence l’emporte. Il est nécessaire de dialoguer, il est nécessaire d’aimer, et il est surtout nécessaire de reconnaître ce qui peut donner un sens, et orienter toute une communauté. En ces jours Saints, nous nous mettons résolument à la suite du Christ, et nous trouvons en Lui le centre de notre existence.

Au soir du Jeudi saint, Jésus nous laisse un don radicalement nouveau pour que notre vie soit unifiée autour de Lui ; c’est-à-dire autour de l’Amour. À travers les gestes et les paroles de la sainte Cène, Il nous oriente vers un chemin d’unité, à son imitation et avec la force de sa Grâce.
Dans l’Ancien Testament, comme nous l’avons entendu dans la première lecture [Livre de l’Exode], il y avait les sacrifices, qui étaient des actes de culte essentiels. L’agneau pascal est immolé pour faire mémoire de la libération d’Égypte ; c’est un sacrifice, une manière d’offrir quelque chose à Dieu, et de Lui demander de continuer à nous libérer comme autrefois. Mais le sacrifice n’est pas quelque chose d’extérieur ou une simple pratique religieuse : il débouche sur la conversion du cœur de l’homme. Moïse donne la Loi religieuse, et aussi les Dix Commandements : le peuple d’Israël ne doit pas mettre sa confiance dans les sacrifices, mais il doit unifier sa pratique religieuse avec son comportement. Faire confiance à Dieu, c’est non seulement offrir l’Agneau de la Pâque, mais c’est aussi vivre dans le bien, l’honnêteté, la modération, la paix.

Jésus donne un sens à tout cela, et vient nous rejoindre dans toutes les dimensions de notre vie. Nous sommes croyants : il y a donc le culte, l’adoration de Dieu, l’écoute de sa Parole, qui font partie de nos priorités. Mais il y a aussi la prière, dont nous avons besoin pour grandir dans le silence du cœur, dans l’intériorité. Et il y a encore le service, la charité, le partage, le dévouement, qui sont indispensables pour que l’Amour de Dieu se répande dans le monde. Or en cette sainte Cène, au soir du Jeudi saint, le Seigneur nous donne l’Eucharistie qui récapitule tout cela ; et qui unifie entièrement la vie des chrétiens. Nous ne pouvons plus séparer la prière, l’adoration et le service : tout est inclus dans ce don merveilleux de l’Eucharistie.

Dans l’Évangile, Jésus lave les pieds de ses disciples en signe de service ; mais Il va aussi leur donner son Corps et son Sang en signe d’offrande. À sa suite, nous sommes invités à « nous laver les pieds les uns aux autres », comme devoir de charité et de service ; à offrir à Dieu, dans l’Eucharistie, tout ce que nous sommes, comme acte d’adoration ; et à prier sans nous lasser pour que notre cœur soit touché par le Seigneur.

C’est ainsi que notre vie est unifiée dans l’Eucharistie : nous offrons, nous prions, nous servons. Que ces trois Jours saints nous renforcent dans notre foi ; qu’ils fassent de nous des disciples sans cesse nourris et raffermis par l’Eucharistie du Seigneur !

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Dimanche des Rameaux — En une semaine, toute notre vie

Avant de lire l’homélie, je peux méditer le long récit de la Passion.

Nous voici entrés dans la Semaine sainte avec le jour des Rameaux, l’entrée de Jésus à Jérusalem ; et ce long récit de la Passion qui nous a mis à la suite de Jésus accusé, souffrant, mort ; avant de Le suivre dans sa Résurrection dimanche prochain. Au cours de cette grande semaine, notre principal souci sera d’accompagner Jésus, de vivre avec Lui tous ces événements qui sont au centre de notre foi. Et bien sûr, nous essaierons de les vivre en profondeur, de les intérioriser : que la Passion de Jésus ne soit pas pour nous une histoire ou un roman, mais une réalité qui nous touche au cœur. En cette année qui est consacrée à la prière, nous avons à vivre tout cela dans une attitude priante, une écoute intérieure.

En ce jour des Rameaux, nous avons entendu comme un “condensé” de ce qui est le plus important dans la vie de Jésus, dans l’Évangile. D’abord la joie du peuple qui a vécu tant de guérisons, tant de merveilles accomplies par Jésus ; ce peuple qui a bien compris que le Messie attendu était arrivé ; et qui ne comprend pas, en revanche, pourquoi les chefs des prêtres rejettent cet homme si extraordinaire. Enfin, le Messie arrive à Jérusalem, la Ville qui espérait depuis des siècles son Libérateur ! Il est acclamé et le peuple exulte. Mais ce moment de joie ne dure pas : le peuple se retourne contre Jésus, et exige qu’Il soit crucifié. Les cris de haine du Vendredi répondent aux cris de joie du dimanche. Et Jésus, qui partage notre nature humaine, lance vers son Père une prière angoissée car la mort s’approche.
Ces événements ne sont pas seulement des choses du passé. À travers tout cela, nous reconnaissons les circonstances de notre vie : cette Passion fait écho à ce qui nous habite. Les joies, les difficultés, les souffrances de chaque jour, nous les voyons dans ce cheminement. Et même ce qui est peut-être l’épreuve la plus grande, le désespoir : penser que notre vie n’a aucun sens, que nos efforts ne servent à rien : Jésus a voulu vivre cela au jardin des Oliviers, et le partager avec ses disciples : « Mon âme est triste à mourir ».

Ce temps de la Passion nous donne donc la conviction que notre vie tout entière est accompagnée par Jésus : Il assume tout ce que nous vivons, et les récits de l’Évangile sont parallèles à nos histoires personnelles. C’est pour cela qu’il est si important de méditer ces récits (particulièrement ceux de la Passion) dans le silence de nos cœurs et dans notre prière ; parce que Jésus nous rejoint dans ce qui tisse la trame de notre vie. La Passion n’est pas un mythe des temps anciens que l’on étudie de l’extérieur, mais un moment de notre existence actuelle.
Notre prière doit donc se nourrir de ces Évangiles (et il est bon de les lire au moins une fois par an !). En méditant ces épisodes, en nous mettant à la suite de Jésus à Jérusalem, puis au Calvaire, nous avançons avec Lui, sous l’action de l’Esprit saint. Nous entrons dans la signification profonde de la Passion, qui devient pour nous un récit intérieur.

La méditation de la Passion de Jésus donne un sens à notre vie. Au seuil de la Semaine sainte, entrons dans tous ces événements à la suite de Jésus… pour ressusciter avec Lui.

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Quatrième dimanche de Carême — Vaincre le Mal avec Jésus

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Ce quatrième dimanche est illuminé par une phrase de l’Évangile que nous venons d’entendre : « Dieu a tellement aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique ». Phrase toute simple et merveilleuse, qui résume notre foi ! Dieu nous aime, Il aime son œuvre, Il aime le monde : Il ne peut se résigner à l’absence d’amour. Il nous a donc envoyé son Fils pour nous réconcilier, pour faire de nous ses enfants d’adoption. Ce qui conduit toute la Révélation et toute l’histoire du monde, c’est l’Amour de Dieu. Il ne dialogue pas avec nous pour nous donner des ordres, ni pour exiger notre obéissance : Il nous parle uniquement parce qu’Il nous aime et qu’Il veut nous sauver.

Dans ce même passage de saint Jean, il y a cependant une autre phrase qui semble beaucoup plus négative : « La lumière [c’est-à-dire Jésus] est venue dans le monde, et les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière, parce que leurs œuvres étaient mauvaises ». Est-ce vrai ? Devant le don de l’Amour de Dieu, est-il vrai que les hommes ont préféré les ténèbres du péché ? Et vraiment, les « œuvres » des hommes sont-elle à ce point « mauvaises » ? Ce passage nous oblige à réfléchir, d’autant que nous le lisons en Carême : comment comprendre l’appel du Seigneur à nous convertir, à rejeter résolument le mal et les ténèbres ?
Si l’on voit l’Évangile de manière superficielle, on a l’impression que la foi consiste à obéir à des commandements, à ne pas faire de mal aux autres, à être généreux ; et puis quand on enfreint ces “règles de conduite”, on fait des péchés. Alors il faut demander pardon à Dieu ; et comme le Seigneur est bon, Il nous pardonne nos péchés. Cela semble tout simple, et finalement ce n’est pas très grave… Il n’y avait pas de quoi crucifier Jésus ! Mais le fond de l’histoire du monde, ce n’est pas seulement que l’homme désobéit à des petits commandements. C’est beaucoup plus profond : le monde est en proie au Mal comme le dit l’Évangile : « Les hommes ont préféré les ténèbres à la lumière ». Le mal est là, autour de nous, et il occasionne tellement de souffrance ! « Préférer les ténèbres », ce n’est pas seulement un choix personnel : c’est une tragédie qui touche tous les hommes, et qui nous blesse à la racine de notre cœur. S’il y a des guerres, des crimes, de la cruauté, de l’indifférence ; si nous voyons des mensonges, des injustices, des oppressions, tant d’égoïsme et de corruption, c’est parce que l’homme a « préféré les ténèbres ». Le mystère du Mal vient du cœur de l’homme, influencé par cette créature mystérieuse qu’on appelle le Démon.

Nous constatons cette situation, mais nous ne pouvons pas nous y résigner. Dieu non plus ! C’est pourquoi « Il nous a envoyé son Fils unique », pour nous délivrer du mal et des ténèbres. Nous sommes complices du mal, et nous en sommes aussi victimes, comme souvent nous sommes victimes des injustices dans le monde : mais le Seigneur ne veut pas nous y abandonner, Il nous donne la seule Espérance. La Bible nous raconte sans cesse l’action de Dieu dans les ténèbres de l’homme : comme par exemple la première lecture de ce jour, où le peuple d’Israël est déporté à Babylone, sans espoir ni perspective d’avenir ; et c’est là que Cyrus, le roi païen, sera touché par le Seigneur pour libérer Israël. Rien n’est jamais perdu !
Notre conviction de chrétiens, c’est que « Dieu nous a tellement aimés » qu’Il nous sauve, nous aussi, du Mal et du désespoir. Jésus est mort et ressuscité : le Mal est vaincu, rien n’est désespéré, rien n’est perdu – même si nous pouvons parfois en douter. Face à l’injustice que nous voyons, notre premier mouvement consiste à nous révolter, à chercher des coupables : c’est tout à fait légitime, mais le Seigneur veut que nous allions encore plus loin. Notre tentation est de nous venger, c’est-à-dire “répondre au mal par le mal”. Cependant, l’Évangile enseigne un chemin différent : « Dieu a envoyé son Fils dans le monde, non pas pour juger le monde, mais pour que, par lui, le monde soit sauvé ». Jésus a été victorieux du Mal et de l’injustice non pas en punissant les coupables, mais en donnant sa vie par Amour. Le seul moyen définitif de vaincre le mal, c’est la Grâce de Dieu qui nous permet d’être plus forts que le péché : comme le disait saint Paul tout à l’heure [deuxième lecture], « c’est par la grâce que vous êtes sauvés […] Cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ».

Oui, le Mal est à l’œuvre, mais Dieu est Tout-puissant contre le Mal. Seuls, nous ne pouvons pas vaincre le mal : nous pouvons parfois éliminer les méchants (ou nous venger), mais la vraie Victoire vient de la Résurrection du Christ. Avec Lui, nous pouvons être plus forts que le péché : le vaincre d’abord en nous, puis autour de nous. À Dieu notre Père, et à Lui seul, nous pouvons adresser cette dernière demande du Notre Père : « Délivre-nous du Mal ! ».

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Cinqui!me dimanche du Temps Ordinaire — Avec Jésus, "sortir" pour vivre l'Évangile

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Dimanche après dimanche, nous assistons avec émerveillement à l’annonce de l’Évangile. Jésus a été envoyé pour cela, c’est le centre de sa mission auprès des hommes : annoncer l’Évangile, qui est la Bonne Nouvelle pour tous les peuples. Cette annonce rayonne de manière extraordinaire ! On a du mal à s’imaginer ce que cela a dû être pour ses disciples, de voir Jésus agir ainsi : Il va partout, Il guérit, Il expulse le mal du cœur de l’homme, sa présence transforme tout. Comme le dira saint Pierre après la Pentecôte : « Là où il passait, il faisait le bien et guérissait tous ceux qui étaient sous le pouvoir du diable, car Dieu était avec lui » [Ac 10,38]. Il est l’unique Sauveur, il n’y en a pas d’autre.

Nous avons entendu Jésus dire : « Il faut que je proclame l’Évangile, c’est pour cela que je suis sorti ». Il le dit d’ailleurs à un moment où justement Il n’est pas sorti de la maison pour annoncer l’Évangile, mais pour prier. Quand Il dit : « Je suis sorti », il s’agit de quelque chose de plus grand : Jésus est « sorti » du Père, Il a été envoyé sur la terre, pour proclamer l’Évangile. Dieu aurait pu nous abandonner au péché et à la mort, Il aurait pu rester à distance ; mais Il a voulu « sortir » vers les hommes, partager notre vie et nous apporter la Vie éternelle. C’est cela la Bonne Nouvelle, l’Évangile dont nous sommes témoins : Dieu nous aime tellement qu’Il veut nous sauver, et qu’Il a envoyé son Fils pour donner le Salut [Jn 3,16]. L’Évangile, c’est Jésus Lui-même, qui porte en Lui la réconciliation et la Vie. En proclamant l’Évangile, Il accomplit en même temps toutes les guérisons qui sont des signes de la Victoire sur le mal.
C’est pour cela que l’Évangile doit être au centre de nos vies. Saint Paul, dans la seconde lecture de ce dimanche, s’exclamait : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! ». Il a compris que l’homme ne pouvait pas vivre pleinement sans connaître l’Évangile de Jésus ; alors Paul se dévoue, consacre sa vie entière, se fait « l’esclave de tous afin d’en gagner le plus grand nombre ». Aujourd’hui, la nécessité est la même qu’au temps de saint Paul. Si nous restons à distance de l’Évangile, nous ne pourrons jamais accomplir notre vocation d’hommes ; et si nous connaissons l’Évangile, nous nous sentons pressés de le partager avec nos frères, pour qu’eux aussi fassent la rencontre du Christ. Cette puissance de guérison qu’apporte Jésus, elle agit encore aujourd’hui dans l’Église par l’Esprit saint.

Ce que nous donne la Bonne Nouvelle, c’est d’abord la connaissance de Dieu, et la relation d’amour avec Lui. Nous avons tellement besoin que notre vie ait une direction, un but ! Dans la première lecture de ce jour, nous entendions les lamentations de Job qui est frappé par le malheur ; mais c’est aussi le désespoir de l’homme plongé dans les ténèbres. « La vie de l’homme sur la terre est une corvée […] À peine couché, je me dis : “Quand pourrai-je me lever ?”. Le soir n’en finit pas : je suis envahi de cauchemars jusqu’à l’aube ». Pour Job, la vie quotidienne est monotone et triste, si elle n’a pas de but. Même la succession harmonieuse des nuits et des jours devient un fardeau, un enfermement ; la vie est une prison, au lieu d’être un chemin de liberté. C’est en connaissant le Seigneur que nous sortons de cette lassitude, et que la vie quotidienne redevient une route vers Dieu ; chaque jour nous donne l’occasion de recevoir et de donner l’Amour qui vient de Dieu. Et le septième jour, le jour du Seigneur, nous permet de consacrer le temps au Seigneur, et de vivre un temps de gratuité et de joie !

Ainsi, notre vie prend son sens en accueillant l’Évangile. Au lieu de nous isoler sur nous-mêmes, nous recevons de Jésus une nouvelle force qui nous ouvre à l’Amour. Quand Jésus disait qu’Il était « sorti » pour annoncer l’Évangile, nous pouvons faire comme Lui : « sortir » de nos propres égoïsmes, de nos enfermements, de nos angoisses, pour être témoins de l’Évangile. Jésus ne cesse de « sortir », de venir vers nous, de guérir les hommes par sa présence ; si nous Le connaissons, si nous L’écoutons et Le prions, tout est transformé. Jésus s’est fait homme comme nous : son humanité transfigure notre humanité, et toutes nos activités quotidiennes ont désormais un sens.
L’Évangile est donc notre unique chemin de vie. Il n’y a pas de concurrence entre la foi et la vie de tous les jours : en donnant la priorité à la Bonne Nouvelle du Christ, tout est renouvelé, le mal est expulsé, les cœurs sont guéris. Prions pour que nous ayons assez de foi pour « sortir » à la suite de Jésus, et pour proclamer son Évangile !

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Quatrième dimanche du Temps Ordinaire — La seule vraie autorité

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

« Voilà quelque chose de nouveau ! », disent les contemporains de Jésus. Voilà qu’il se passe des événements inattendus ; voilà que cet homme qui est pourtant galiléen comme les autres, se révèle différent des autres. Ce Jésus qui est à l’origine un travailleur manuel, se met à enseigner, à révéler la Parole de Dieu, et même à guérir les malades ! Et tout cela avec une « autorité » qu’on ne connaissait pas. Nous avons souvent du mal à accepter la nouveauté. Soit on la nie et on lutte contre elle… soit on l’accepte et on essaie de comprendre ce qu’elle signifie. Certains autour de Jésus accueilleront son message, deviendront ses disciples ; et d’autres, au contraire, Le rejetteront et finiront par Le faire mettre à mort. La nouveauté de Jésus est toujours nouvelle et dérangeante : encore aujourd’hui, l’Évangile est signe de contradiction partout dans le monde, et les persécutions continuent pour nos frères chrétiens dans beaucoup de pays.

Ce qui étonne et surprend les gens, c’est ce que l’Évangile de ce jour répète deux fois : l’« autorité » de Jésus. Ce que fait Jésus, Il le fait avec autorité. Il enseigne avec autorité, et Il chasse les esprits impurs avec autorité. D’abord, les gens sont « frappés par son enseignement » : voilà un homme qui est prophète, qui porte une parole de Dieu différente de ce qui précédait ! La prophétie de Moïse [Deutéronome, première lecture] est accomplie : « Je ferai se lever au milieu de leurs frères un prophète ; je mettrai dans sa bouche mes paroles ». Le nouveau prophète est bien là, Il enseigne la Parole de Dieu. Jésus n’est pas « comme les scribes », dit l’Évangile. Les scribes ne faisaient que rabâcher la Loi de Moïse, ils n’avaient aucune autorité et n’apportaient rien de nouveau : l’enseignement de Jésus est différent, il permet à chacun de comprendre personnellement les paroles de Dieu. On imagine la joie des Juifs dans la synagogue : enfin, un prophète parle avec l’autorité de Dieu, et nous annonce l’accomplissement des promesses !
Non seulement les scribes, à l’époque, n’avaient aucune autorité, mais en outre, la seule autorité qui faisait sentir sa puissance, c’était celle des Romains. L’autorité des troupes d’occupation était brutale et cruelle, injuste et illégitime. Nous aussi, quand on nous parle d’autorité de nos jours, nous avons toujours plus ou moins cette idée de tyrannie et de violence. Jésus, Lui, permet de retrouver le vrai sens de l’autorité de Dieu : non pas quelque chose d’arbitraire, mais une autorité juste, paisible, douce, joyeuse. La seule autorité qui indique une direction, qui nous permette de donner un sens à notre vie.

Chaque jour de notre existence, nous sommes agités, occupés, tiraillés entre diverses influences. Nous avons parfois l’impression d’être dominés par des autorités aveugles, souvent contradictoires : pensons aux exigences des normes arbitraires, de la bureaucratie qui impose des procédures… [On le voit actuellement chez nos agriculteurs, qui sont exaspérés par le foisonnement d’exigences légales]. Comment retrouver la liberté, la possibilité d’être enfin maîtres de nous-mêmes ? Comment unifier notre vie et choisir librement de suivre la bonne direction ? Saint Paul écrivait tout à l’heure [deuxième lecture] qu’il fallait être « attachés au Seigneur sans partage » : s’attacher au Seigneur, c’est le seul choix qui nous rende vraiment libres et qui soit à la dimension de notre cœur. Bien sûr, nous avons à reconnaître la légitimité des autorités de ce monde, mais il s’agit surtout de « rendre à Dieu ce qui est à Dieu » [Mc 12,17], c’est-à-dire le sens de notre existence. Accueillir l’autorité du Seigneur « sans partage », c’est reconnaître dans la joie que Lui seul nous délivre du Mal et de la mort.

Parmi les sept jours de la semaine, le Seigneur nous propose un jour en particulier, pour ressentir de plus près la puissance de son autorité ; c’est-à-dire pour unifier notre vie autour de son Amour. Nous venons, en ce dimanche (comme chaque dimanche), chargés de nos soucis, de nos préoccupations parfois dispersées ; nous venons pour en faire une offrande au Seigneur et trouver un sens à tout cela. Au début de cette messe, nous avons d’abord entendu Jésus nous parler, nous enseigner avec autorité ; et puis nous avons médité sa Parole, et nous Lui avons confié nos difficultés et nos inquiétudes. Au cours de cette Eucharistie du dimanche, Jésus peut accueillir tout cela, en faire une offrande à son Père avec son Corps et son Sang.
Il fait l’unité dans tout ce que nous traversons. Sans Lui, nous sommes soumis à des autorités contraires, à nos propres instabilités ; Lui seul peut chasser le mal de nos cœurs, nous sanctifier, nous orienter, nous donner une direction. En ce dimanche et chaque jour, laissons-Le agir dans nos vies avec autorité !

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Troisième dimanche du Temps Ordinaire — La Parole est vérité et puissance

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Avec ce troisième dimanche du Temps Ordinaire, nous commençons la lecture suivie de l’Évangile selon saint Marc ; et nous entrons directement dans le vif du sujet. L’essentiel nous est donné avec cette première annonce de Jésus, juste « après l’arrestation de Jean le Baptiste ». Le message est simple : « Les temps sont accomplis ; le règne de Dieu est tout proche : convertissez-vous et croyez à l’Évangile » – c’est-à-dire à la Bonne Nouvelle. Et de manière vraiment étonnante, alors qu’on ne parle pas encore de miracles ou de signes accomplis par Jésus, voilà déjà quatre hommes qui se mettent à sa suite, en abandonnant toute leur vie : leurs filets, leur barque et même leur père et leur métier.

Cette attitude des premiers Apôtres, si rapide, si spontanée, semble contraster avec l’indifférence que nous constatons parfois chez nos contemporains ! Qui aujourd’hui se mettrait si vite à la suite de quelqu’un qu’il ne connaît pas, et quitterait tout le reste ? À la source de cette spontanéité, il y a sans doute quelque chose de complètement nouveau, inattendu, qui touche profondément le cœur de Simon, André, Jacques et Jean. Ils sont appelés à « croire à la Bonne Nouvelle », donc à accueillir dans leur vie la puissance de Dieu qui dépasse ce qu’ils pouvaient espérer. Cette Bonne Nouvelle est un message et une action, une Parole et une œuvre. Dieu ne fait pas que parler, Il agit et sauve les hommes.
Comme première lecture de ce dimanche, nous avons entendu une autre annonce, tout aussi efficace : celle de Jonas. Il parcourt la ville de Ninive pendant quelques heures, et voilà que tout le monde, aussi rapidement, croit à sa parole, se convertit et se repent de manière spectaculaire. La Parole de Dieu est puissante, elle est efficace ! On reçoit cette Parole, on la médite, et l’on se rend compte qu’elle nous dépasse : elle porte en elle quelque chose qui attire, qui touche notre cœur et nous convertit. Si l’on prend au sérieux cette Parole, on ne peut pas y être indifférent. C’est ce que nous a rappelé le pape François [en 2019 par le motu proprio Aperuit illis], en instituant ce dimanche de la Parole de Dieu au début de l’année : cette Parole qui nous conduit, qui nous appelle toujours à revenir à l’essentiel, qui ne nous laisse pas tranquilles. Si jamais nous avons la tentation de nous assoupir, la Parole nous réveille, nous stimule ! comme le disait déjà le prophète Isaïe [50,4] : « Chaque matin, le Seigneur éveille, il éveille mon oreille pour que j’écoute comme un disciple ; le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille ».

Les Apôtres se mettent donc en route, à la suite de Jésus, car ils ont reçu la Bonne Nouvelle. Ce qui les attire, ce ne sont pas seulement des mots : Jésus n’est pas un “beau parleur” qui hypnotise les gens par ses discours. La Parole de Dieu est une parole (avec des mots), mais elle est bien plus que cela. Elle est Quelqu’un, une Personne qui nous est envoyée pour nous sauver. C’est Jésus qui attire les hommes : en Lui se trouvent toutes nos réponses. Comme nous l’avons médité à Noël [début de la Lettre aux Hébreux, matin de Noël], « Dieu nous a parlé par son Fils […], rayonnement de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être ». Par Jésus Dieu nous parle, Il nous dit qui Il est ; Il nous invite à Le reconnaître comme Dieu Amour, Dieu sauveur qui nous recrée à son image. C’est cette Personne qui a attiré Simon et les autres Apôtres, et a transformé leur vie.

Pour vivre avec Jésus, il est tellement important d’accueillir la Parole de Dieu ! de la lire concrètement, d’avoir évidemment une Bible chez soi, pour la méditer et pour qu’elle guide notre vie. Nous avons toujours plus à comprendre que cette Parole est vivante. Elle n’est pas une “série de commandements”, comme beaucoup le croient. La foi est parfois vue comme quelque chose qui ajoute des contraintes ; il faudrait obéir aux ordres de Dieu pour devenir de bons petits chrétiens… Au contraire, la Parole est source de joie, de paix, d’Espérance et d’amour. Nous recevons la Parole de Dieu comme une lettre d’amour que la fiancée attendait depuis longtemps !
Beaucoup de paroles aujourd’hui (parfois dans le domaine politique ; et surtout dans le commerce et la publicité…) cherchent à séduire, à attirer sans souci de la vérité ; la Parole de Dieu, elle, nous enseigne et nous conduit sur le chemin de la Vérité. En la fréquentant, nous ressentons la Sagesse de Dieu, l’Amour que nous attendions. En connaissant la Parole de Dieu, c’est Jésus Lui-même que nous écoutons et que nous suivons. Comme les Apôtres, laissons-nous entraîner par cette joie si inattendue de la Parole de Dieu ; faisons entrer dans notre cœur cette Parole puissante, « convertissons-nous et croyons à la Bonne Nouvelle » !

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Deuxième dimanche du Temps Ordinaire — Nous avons trouvé le Messie

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Nous voici au début d’une nouvelle année, avec la reprise des activités, la rentrée scolaire, les retrouvailles après les fêtes de Noël. La nouveauté est en général signe d’espoir, mais elle apporte aussi son lot d’incertitudes [que ce soit une nouvelle année ou un nouveau gouvernement…]. Au début de l’année, et peut-être de plus en plus quand on grandit (et quand on vieillit), on se pose toujours la même question : que sera cette année ? Qu’arrivera-t-il en 2024 ? Qu’allons-nous vivre, et que deviendra le monde pendant cette année, avec tous les espoirs et les menaces dont il est porteur ? De manière plus personnelle, comment allons-nous nous orienter ? Et sur qui pourrons-nous nous appuyer pour être certains d’aller dans la bonne direction ?

Si nous sommes aujourd’hui dans cette église, c’est que nous avons déjà une partie de nos réponses. Non pas sur ce que nous réserve l’avenir (qui est entre les mains de Dieu) ; mais plutôt sur la manière dont nous vivrons cette année. Sur qui s’appuyer ? Sur l’Amour de Dieu, bien sûr ! Nous savons qu’Il ne nous abandonnera jamais, et que quoi qu’il arrive, Il nous tiendra la main. Mais cela ne nous empêche pas de prendre des décisions. Dans l’Évangile, les deux disciples font le choix de se mettre à la suite de Jésus, et cherchent des réponses à leurs questions.
La première question des disciples, c’est : « Où demeures-tu ? ». C’est une manière de demander à Jésus : où devons-nous aller, quelle est la bonne direction pour orienter notre vie ? Nous ne cessons de chercher à faire le mieux possible, d’essayer de trouver un sens – une direction – à notre existence. Autour de nous, malheureusement, il y a des personnes qui ont du mal à trouver leur direction : ils ne savent pas comment s’orienter, et certains ont même perdu tout espoir. Ils ont entendu dire qu’il n’y avait pas de vérité, que le bien et le mal étaient confondus… Alors ils vivent au jour le jour, sans but ni orientation : c’est la tentation du désespoir. Nous ne devons jamais cesser de chercher à faire le Bien ; nous ne devons jamais perdre le désir de connaître le Seigneur, de connaître la Vérité pour que notre vie ait un sens. C’est une bonne résolution à prendre au début de l’année : ne jamais céder au désespoir.

Dans l’Évangile, il y a aussi une conviction très forte : c’est que le Seigneur nous cherche, encore bien plus que nous ne Le cherchons. C’est pour cela que notre Espérance n’est jamais épuisée : parce que l’Amour de Dieu pour nous est inlassable. En particulier, Il ne cesse de nous appeler et de nous inviter à L’écouter. C’est ce que nous avons entendu dans la première lecture, avec la vocation du jeune prophète Samuel ; c’est encore le récit de l’Évangile, où Jésus appelle André, Jean, puis Simon : ils sont appelés par Jésus, et leur vie est transformée [comme le montre le changement du nom de Simon en Pierre]. Jésus ne cesse d’appeler à la joie, et c’est cela qui oriente notre avenir. Comment vivre l’année nouvelle ? En écoutant la voix du Christ qui nous dit que nous sommes faits pour vivre en Dieu, et pour aimer. Rien ne pourra nous effrayer, puisque Jésus sera toujours vainqueur du péché et de la mort. En répondant à son appel, nous participerons à sa victoire : notre vie ne sera pas dominée par le mal.

En définitive, ce qui guidera notre année, c’est le “cri du cœur” que nous entendons dans l’Évangile (dit par André à son frère, de manière toute simple et émerveillée) : « Nous avons trouvé le Messie ! ». En cherchant à faire le Bien, en voulant orienter notre vie, nous cherchions en fait Quelqu’un ; et nous L’avons trouvé dans l’Évangile et dans l’Église. Celui qui nous sauve, Celui qui nous donne l’Espérance, Celui qui nous aime et nous permet d’aimer, Celui qui nous appelle à la liberté, nous L’avons enfin trouvé ! Et ce Sauveur, nous ne l’avons pas rencontré au bout d’un grand raisonnement ou d’un effort important : tout simplement, c’est Lui qui se donne à nous, par amour, librement, gratuitement.
Tout ce que nous aurons à faire au cours de cette année, c’est continuer à « trouver le Messie », c’est-à-dire Le connaître, L’aimer, Le prier ; et nous serons capables, à notre tour, d’aimer, de donner, de pardonner ; nous pourrons être des “lumières”, porteurs de cette Miséricorde dont le monde a besoin. Dans une année rythmée par le cycle hebdomadaire, n’oublions jamais de sanctifier le « septième jour », le jour du Seigneur ! Si parfois nous perdons la bonne direction, tournons-nous vers Lui : « Où demeures-tu ? ». Et Jésus nous répondra chaque dimanche : viens me prier, écouter ma voix ; viens et tu verras, tu connaîtras l’Amour du Père, tu pourras Lui offrir toute ta vie, ton travail, tes joies, tes peines ; tu seras nourri de la Parole, du Corps du Christ. Quoi qu’il puisse arriver au cours de cette année, l’Amour sera le plus fort, car « nous avons trouvé le Messie » !

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Solennité de l'Épiphanie — Manifester le Christ aux mages de notre temps

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures de cette grande fête.

« Toutes les nations sont associées au même héritage, au partage de la même promesse dans le Christ Jésus », écrivait saint Paul aux Éphésiens [deuxième lecture] : en ce jour de l’Épiphanie du Seigneur, nous voyons la réalisation de cette promesse. Le Seigneur se révèle au monde, à tous les hommes : à travers la figure un peu énigmatique de ces « mages venus d’Orient », Il se révèle même aux peuples païens, à ceux qui n’avaient pas reçu la Parole de Dieu dans l’Ancien Testament et ne connaissaient pas l’Alliance du Seigneur avec son peuple Israël. Tous ces peuples, toutes les nations, sont donc « associés à cet héritage, à la promesse, par l’annonce de l’Évangile ». C’est le sens de l’événement d’aujourd’hui : une fête très joyeuse et pleine d’émerveillement, qui est célébrée avec beaucoup de solennité par nos frères chrétiens d’Orient.

Dès le début de l’Église naissante, comme on le lit dans les Actes des Apôtres [notamment au chap. 15], la question se pose : le Christ est-Il venu pour son peuple Israël (auquel Il appartient), ou bien son Évangile a-t-il une portée plus large ? Peu à peu, les Apôtres découvrent que Jésus est le Sauveur de tous les hommes, et ils sont émerveillés devant la générosité du projet de Dieu ! Bien sûr, comme juifs, membres du peuple élu, ils annonçaient déjà avec une immense joie la Résurrection du Christ ; mais qu’en est-il alors des multitudes, de toute l’humanité ? Peut-on se résoudre à rester “seuls” dans l’Alliance, à garder pour soi la Vérité sans la partager avec les autres ? Comment ne pas être blessés par les foules qui  ne connaissent pas l’Amour de Dieu, qui n’ont pas expérimenté la puissance du Christ : tous ceux qui sont toujours soumis « au pouvoir des ténèbres » [Col 1,13], et sont encore prisonniers d’une fausse image de Dieu ?
Il faudra du temps aux Apôtres, et aux premiers chrétiens, pour comprendre que le Christ est venu pour l’humanité tout entière. Déjà, bien sûr, sa naissance en est le plus beau signe. Le Fils de Dieu est venu partager la nature humaine, si bien que Noël est un événement universel : ce petit enfant qui repose entre ses parents, c’est chacun de nous au début de sa vie. Et puis il y a ce qui se passe aujourd’hui, en ce jour de l’Épiphanie : à nouveau, le message du Christ atteint toute l’humanité, à travers ces mystérieux personnages venus d’Orient. En méditant l’Évangile, nos ancêtres dans la foi ont bien compris l’ampleur du projet de Dieu sur les hommes. Personne ne peut rester au-dehors de l’Alliance nouvelle, nul ne doit se sentir exclu de la présence du Christ. L’Évangéliste saint Jean nous le dit clairement : « Dieu a tellement aimé le monde qu’il a donné son Fils unique, afin que quiconque [tout homme !] croit en lui ne se perde pas, mais obtienne la vie éternelle » [Jn 3,16].

Les Apôtres ont donc ressenti ce désir de faire connaître à tous les hommes la Bonne Nouvelle du Christ. Mais la même question nous est posée aujourd’hui : qu’en est-il de toute l’humanité qui ne connaît pas encore le Christ – et encore plus de ceux qui nous entourent, nos proches, nos amis, nos collègues, qui se sont peut-être détournés du Christ ou ne sont pas intéressés par l’Évangile ? Pouvons-nous nous résoudre à ne pas partager avec eux le message du Salut ?
Dans l’Évangile de ce jour, la Gloire du Christ se manifeste aux mages, qui « entrent dans la maison et se prosternent devant l’Enfant ». Cette même Gloire doit continuer à se manifester aujourd’hui, devant tous les hommes appelés à être sauvés. Autour de nous, il y a peut-être beaucoup de « mages » que nous ne connaissons pas, et qui cherchent le Christ sans le savoir : des gens curieux, instruits, sages et compétents, comme les mages d’autrefois ; et qui sont prêts à se mettre en route pour chercher la Vérité. Mais où iront-ils, qui suivront-ils ? Qui sera l’étoile qui les conduira au Christ ? Nous savons bien que s’ils ne rencontrent pas Jésus, ils pourront aller vers les sectes, les mensonges, les idéologies… et parfois même la violence, car l’homme a besoin d’absolu. Seul le Christ répond à la soif des hommes, leur donne la paix et la vraie Espérance.

Bien sûr, c’est à nous, baptisés, que revient aujourd’hui la mission d’être les « étoiles » de notre temps. Nous ne faisons pas de miracles, mais nous pouvons témoigner de l’Évangile par la parole et par la manière de vivre. Les mages attendaient de rencontrer un roi puissant, ils se sont trouvés face à un petit enfant. Ce qui distingue le Christ de tous les faux prophètes, c’est sa faiblesse, sa simplicité qui appelle à aimer ; ce qui doit distinguer les chrétiens, c’est la simplicité et la charité. Les mages cherchaient une sagesse ; la Sagesse infinie que nous avons reçue, c’est l’Amour qui permet de vaincre la haine et la rancune. Personne ne doit rester dans l’ignorance : par notre amour, manifestons à tous les hommes la Miséricorde du Seigneur !

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Fête de la Sainte Famille — Famille, lieu d'Espérance

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

En fêtant la Sainte Famille juste après Noël, nous célébrons l’accomplissement des promesses de Dieu. Les deux figures que nous montre l’Évangile, Syméon et Anne, ont attendu toute leur vie le Messie promis. L’un comme l’autre, maintenant qu’ils ont enfin rencontré l’Enfant Jésus, « peuvent mourir » : leur vie a atteint son but et leur Espérance est accomplie. La famille de Joseph, Marie, Jésus est le lieu où les promesses de Dieu ont atteint leur but : et plus largement, le Seigneur veut que nos familles, toutes les familles, soient le lieu où l’on reçoit les promesses et où l’on veille sur leur développement. Dans chaque famille il y a des promesses, un avenir, une espérance ; dans chaque famille on peut s’entraider, avancer ensemble vers la promesse du Seigneur.

La première promesse vécue en famille, bien sûr, c’est la promesse de la vie. Toute vie est un don de Dieu, c’est ce qui rend irremplaçable la famille. La Bible est très éloquente sur ce sujet : elle ne cesse de montrer que le Seigneur donne sa bénédiction en accordant la vie. La première lecture de ce jour raconte la promesse faite par Dieu à Abraham : alors qu’il semble trop tard pour Abraham et Sara, ils auront tout de même une postérité par Isaac, et même une descendance infiniment nombreuse par la suite. Quand le Seigneur veut combler un personnage biblique, Il lui accorde une descendance : pensons encore à Jacob, à Samson, aux rois d’Israël, à Zacharie et Élisabeth… et jusqu’à Marie elle-même qui reçoit son Fils comme le don le plus inattendu.
Cela ne veut pas dire, évidemment, que l’absence de descendance soit une punition de Dieu : nous connaissons tous des couples affectés par cette douleur, et souvent leur courage est admirable. Mais à notre époque, il s’agit surtout de retrouver le sens du don de Dieu : toute une génération a oublié que la vie n’est pas quelque chose qu’on fabrique, qu’on planifie… et qu’on élimine éventuellement en fonction de nos désirs. Retrouver le don de Dieu, c’est remettre à l’endroit notre relation avec le mystère de la vie humaine. Il nous semble normal, bien sûr, qu’on ne puisse pas posséder une personne humaine (par l’esclavage) : nous devons témoigner du même respect en ce qui concerne la vie à son début (dès la conception). Il en va de même face à la maladie, à la souffrance et la fin de vie : il faut rejeter résolument la tentation de tout planifier, tout prévoir et tout maîtriser, de peur de créer une société qui serait inhumaine. Seul le don de Dieu est source d’Espérance.

L’autre promesse de la famille, c’est l’amour vécu et partagé en toutes circonstances ; et particulièrement dans les épreuves de la vie. Ensemble nous pouvons vivre l’Espérance. La Sainte Famille a traversé de grandes difficultés, mais toujours sous le regard de Dieu : il y a eu le départ forcé pour le recensement ; puis une fois à Bethléem, l’absence d’hébergement, la naissance dans une étable ; et encore le départ pour l’Égypte et le massacre des Saints Innocents (sans oublier la prophétie de Syméon adressée à Marie : « Ton âme sera traversée d’un glaive »). À travers tout cela, l’Amour reste plus fort que la tristesse et le désespoir.
Par l’amour familial, on trouve une force renouvelée pour s’appuyer les uns sur les autres. Dans nos relations quotidiennes, il y a les difficultés et les incompréhensions, parfois les disputes et les conflits : l’Espérance nous conduit, en famille, à pardonner et à nous réconcilier. Le conflit n’a jamais le dernier mot ! C’est une conviction à transmettre aux enfants. Et aussi, face aux épreuves extérieures, comme Marie et Joseph, nous pouvons encore vivre l’Espérance : ensemble on partage et on se réconforte devant l’adversité. C’est un réflexe naturel (comme on l’a d’ailleurs vu lors de la crise du Covid) : quand surviennent l’inconnu et la peur, on revient au noyau familial comme au seul endroit où l’on peut se retrouver, s’entraider et ne pas être jugé. Ensemble, on peut partager et espérer.

En ce temps de Noël, nous célébrons donc l’accomplissement de notre Espérance, à travers les promesses du Seigneur. Dans la sainte Nuit de la Nativité, nous nous sommes rappelé que l’homme est à l’image de Dieu ; et que le Fils de Dieu est venu rétablir cette image en naissant parmi nous. Quelques jours plus tard, en fêtant la Sainte Famille, nous comprenons une dimension essentielle : l’homme, à cette image de Dieu Trinité, ne trouve le bonheur et l’Espérance que dans la communion et le partage ; non pas dans la solitude ni l’égoïsme. Ce que nous vivons dans nos familles, c’est non seulement que la vie est un don de Dieu, mais aussi que l’amour et le partage sont donnés par Dieu ; et nous ne pouvons pas vivre sans eux. Prions pour que les familles demeurent ces lieux irremplaçables, où chacun apprend à aimer, à vivre, à vaincre l’égoïsme, à pardonner, à prier, à espérer !

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Jour de Noël — Dieu nous dit tout !

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures de ce saint Jour.

« Personne n’a jamais vu Dieu ; c’est le Fils unique, Jésus, qui L’a fait connaître ». Notre émerveillement en ce saint Jour de Noël, c’est de pouvoir connaître Dieu. Nous avons vécu cette Nuit de Noël dans la contemplation d’un Enfant qui venait de naître, en écoutant les promesses que le Seigneur nous a faites ; et maintenant que le jour s’est levé, nous pouvons méditer sur la portée de l’événement de Noël. Celui qui est né cette nuit, ce n’est pas un simple messager ou un prophète : c’est le Fils de Dieu, Dieu Lui-même qui vient nous révéler l’ampleur de son projet divin. « Personne n’avait jamais vu Dieu », nous redit l’Évangéliste : cette nuit, pour la première fois, l’homme a pu contempler son Dieu.

Des prophètes, nous en avions eu par le passé : pendant des siècles, ils avaient été envoyés par le Seigneur pour ramener son peuple à la fidélité et lui rappeler l’Alliance de Dieu. « De bien des manières », dit la Lettre aux Hébreux [deuxième lecture], c’est-à-dire de manière partielle et incomplète, la Parole de Dieu avait été donnée aux hommes ; comme des lueurs dispersées çà et là pour conduire vers la vraie Lumière. Mais ces annonces prophétiques avaient été insuffisantes, car elles touchaient le plus souvent l’oreille des hommes, sans entrer en profondeur dans leur cœur. À part quelques épisodes marquants de son histoire, le peuple d’Israël n’était pas parvenu à demeurer vraiment fidèle à l’Alliance.
C’est pour cela que Noël est un événement radicalement nouveau. La Lettre aux Hébreux s’émerveille de ce don incroyable : « À la fin, en ces jours où nous sommes, Dieu nous a parlé par son Fils […], rayonnement de la gloire de Dieu, expression parfaite de son être ». Quand Dieu parle, ce n’est pas de manière superficielle : Il parle pour dire qui Il est, pour nous donner une Révélation unique. En nous parlant, Il nous donne tout, puisque son Fils est en même temps sa Parole [son Verbe, selon l’Évangile de ce jour]. Dieu se donne en nous parlant, Il se dit à ceux qui L’écoutent. Comme un ami qui voudrait se confier, Il veut tout nous dire, tout partager avec nous. En ce jour de Noël, nous recevons les confidences du Dieu qui est Amour ! Il nous fait tellement confiance qu’Il nous donne son Fils comme « rayonnement de sa gloire, expression de son être ». Grâce à cet événement, nous savons désormais Qui est Dieu ; nous sommes sauvés de l’ignorance, du mensonge, des idoles, des fausses images de Dieu. Nous avions tendance à projeter sur Dieu nos idées ou nos concepts ; mais maintenant, Il se donne à nous comme la Vérité, et nous guérit du mensonge. Cet Enfant qui est né, c’est Dieu qui nous aime tellement qu’Il se fait l’un de nous. La grande Révélation de Noël nous est donnée : Dieu est Amour.

Mais le Seigneur ne fait pas que nous parler de Lui. En se disant à nous, Il nous permet aussi de comprendre qui nous sommes ; puisque nous sommes à l’image de Dieu. Dieu s’est fait homme à Noël, pour que l’homme lui-même comprenne le sens de sa vie. La grande question que se posent tous les hommes, depuis les premiers philosophes, c’est toujours la même : qui sommes-nous ? D’où venons-nous, pourquoi vivons-nous (quelle est la signification du monde ?), et où allons-nous ? Jésus, en naissant parmi nous, nous apprend à tourner notre regard vers Dieu, de qui nous venons et vers qui nous allons. Nous vivons dans un monde qui a été créé par le Seigneur, qui est ordonné par la Sagesse divine, et qui nous dit quelque chose de l’Amour de Dieu. Ne pas connaître Dieu, c’est vivre dans l’inconnu, dans l’obscurité et la crainte.
Nous vivons dans une culture [au moins dans notre partie du monde], où l’homme a cru pouvoir vivre sans Dieu ; et il n’a trouvé que le vide. À quoi bon vivre, si la Sagesse de Dieu ne nous conduit pas ? Si nous oublions que la Création est un don de Dieu, alors nous l’exploitons et la détruisons. Si nous ne savons pas que l’homme est créé pour aimer à l’image de Dieu, nous ne savons plus aimer : chacun cherche son propre profit et son propre avantage, et parfois c’est la violence qui l’emporte. Beaucoup de jeunes grandissent sans autre perspective que de profiter de la vie, de “s’éclater” et d’obéir à leurs désirs : au bout de cela, il n’y a que le désespoir.

En cette fête de Noël, nous avons vu Dieu : et nous avons contemplé l’Amour qui donne sa seule signification à notre vie. « Le Verbe s’est fait chair ; il nous a donné de pouvoir devenir enfants de Dieu » : nous avons tous soif de connaître Dieu et de savoir aimer comme ses enfants. Soyons témoins de cette Parole de Dieu, auprès de tous nos frères qui sont en recherche : « Jésus, le Fils de Dieu, nous a fait connaître le Père », et Il nous révèle le sens de notre vie !

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Nuit de Noël — Le Prince de la Paix

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures de cette sainte Nuit.

« Gloire à Dieu ! », chantent les anges ; car Dieu a manifesté son Amour en cette sainte Nuit de Noël. La Gloire de Dieu se montre « au plus haut des cieux », parmi les anges et les archanges, les esprits et les trônes célestes ; mais cette Gloire se fait aussi voir, en cette Nuit de Bethléem, parmi les gens simples, les bergers et même les animaux de l’étable. La Gloire de Dieu n’est pas quelque chose qui nous éblouit ou qui nous effraie, mais elle est la Gloire d’un Dieu qui se penche vers nous et vient nous sauver par sa présence. Le signe est donné aux bergers : « un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire » ; cet Enfant est le Sauveur envoyé aux hommes.

Quand nous célébrons Noël, il y a toujours une dimension d’émotion : nous voyons un enfant pauvre, entouré de ceux que nous connaissons bien, Marie, Joseph et les autres. Nous connaissons son histoire, le fait qu’Il ait été mal accueilli et qu’on L’ait relégué dans une étable ; c’est toujours émouvant quand on contemple la pauvreté, et la dignité des pauvres. Cette scène de l’étable force notre admiration, car même dans la misère et l’abandon, cette petite famille reste unie par l’amour et la joie de la vie.
Mais en contemplant ce tableau de Bethléem, nous comprenons qu’il y a ici bien plus qu’une simple scène de pauvreté. Celui qui vient de naître, nous dit l’Évangile, c’est Celui que le peuple attendait, le Christ, le Sauveur ; Celui par lequel le prophète Isaïe annonçait que « le peuple qui marchait dans les ténèbres a vu se lever une grande lumière » [première lecture]. Si bien que depuis deux mille ans, des peuples entiers viennent se prosterner devant cette scène toute simple d’un Enfant qui vient de naître ; et nous, comme chrétiens, disciples de cet Enfant, nous devons sans cesse revenir à la source de notre foi. Dieu a envoyé son Fils, Dieu s’est fait homme au milieu de nous pour nous sauver !

Dans la Nuit de Noël, des foules viennent donc adorer un Enfant, Le contempler avec sa Mère, avec saint Joseph et tous ceux qui l’entourent. Cette affluence autour d’une simple naissance, c’est un signe extraordinaire de la foi chrétienne. Dans un monde souvent dur, impitoyable [aujourd’hui comme hier, n’idéalisons pas le passé !], l’Évangile a introduit une véritable révolution, car des adultes, des gens raisonnables et forts, viennent adorer un Enfant et sa Mère. Dans beaucoup de civilisations, on met à l’écart tout ce qui concerne l’enfantement, comme quelque chose de vaguement impur et méprisable ; mais à Bethléem, il y a quelque chose de différent. Dieu se montre désormais dans la petitesse, la simplicité d’un Enfant ; et toute la Gloire de Dieu, la puissance divine, est là, sous nos yeux. Même les gens raisonnables et les puissants du monde, viennent trouver dans cet Enfant une Sagesse que les philosophes n’avaient pas trouvée : une Gloire qui n’est pas celle du monde.

Tout est transformé par cette naissance. Quand les hommes adorent un Dieu tout-puissant, un Dieu autoritaire, ils se sentent eux-mêmes puissants et forts à l’image de Dieu. Dans le monde, il y a toujours eu des gens qui exercent la violence au nom de Dieu, qui se croient les instruments du Tout-puissant par leur force [encore maintenant, comme l’actualité nous le montre]. Mais ce soir nous venons, avec tout le peuple chrétien, nous prosterner devant un Enfant et sa Mère, devant cette scène de faiblesse et de douceur. Comment la violence serait-elle possible ? Qui pourrait prétendre être brutal au nom de Dieu ? Ce qui transforme le monde à Noël, ce n’est pas la force, mais l’Amour et la patience.
Sans le Seigneur, nous étions abandonnés au Mal et à la violence ; Il a voulu nous sauver en venant dans la discrétion d’une famille pour partager notre nature. Ce n’est pas avec sa force ni par des prodiges extraordinaires que Dieu est venu vers nous, mais par la douceur et dans la paix. C’est pourquoi en venant ici pour L’adorer, nous devons devenir des artisans de paix ; sinon, l’événement de Noël ne servirait à rien ! Jésus est le Prince de la Paix, Il apporte la paix en se faisant tout proche de nous. Il accomplit la prophétie d’Isaïe : « Le bâton du tyran, tu l’as brisé ; les bottes qui frappaient le sol, les voilà brûlées » : la paix est donnée par le Christ, la guerre et la violence sont vaincues.

Si nous osons venir nous prosterner devant la crèche, nous ressentons cette paix extraordinaire qui est la grâce de Noël : comme l’écrit saint Paul [deuxième lecture], nous pouvons « renoncer aux convoitises de ce monde, et vivre de manière raisonnable, avec justice et piété ». Alors, « Gloire à Dieu, et paix aux hommes ! » : en cette sainte Nuit, recevons la Paix comme un don de Dieu.

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Deuxième dimanche de l'Avent — La seule paix vient du Seigneur

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

« Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers ! » Telle est l’annonce que porte Jean le Baptiste, et qui avait été prophétisée par Isaïe [première lecture]. Ce temps de l’Avent nous est donné pour que nous « préparions le chemin du Seigneur », que nous tournions notre regard vers Jésus qui vient nous sauver. Noël est déjà proche, et il faut nous préparer à cette fête ! Non pas seulement en achetant des cadeaux de Noël… mais surtout en préparant nos cœurs à l’arrivée du Sauveur. Jean Baptiste nous est donné comme compagnon sur cette route, et il nous aide à nous recentrer sur l’essentiel. L’Évangile décrit Jean comme quelqu’un d’un peu rude, assez austère, qui ne cherche clairement pas son petit confort : il est vêtu d’une peau de chameau, il habite dans le désert et mange des sauterelles… Il nous aide déjà à ne pas voir Noël comme la fête des grands repas et des beaux cadeaux. Comme lui, nous avons à faire un effort pour accueillir Jésus dans la générosité d’un cœur pur, sans nous attacher aux biens matériels.

Le lieu où Jean Baptiste annonce le Sauveur, c’est le désert : lieu de solitude, lieu où retentit la voix du Seigneur si nous L’écoutons. Parfois, nous avons nous-mêmes l’impression de “vivre au désert” car il y a bien peu de croyants autour de nous, dans nos lieux de vie, dans nos écoles, collèges, lycées. C’est pour cela que nous avons à être des témoins crédibles de la venue du Seigneur, comme Jean Baptiste.
Quel est le message à annoncer ? Comment pouvons-nous être des témoins de Noël pour ceux qui nous entourent ? Le premier témoignage, c’est déjà de ne pas voir Noël comme quelque chose de commercial : de revenir à la source de la venue de Jésus. Et puis, de reprendre la prophétie d’Isaïe : « Préparez le chemin du Seigneur, que tout ravin soit comblé, que les montagnes soient abaissées ». Il s’agit d’une attitude intérieure à adopter. Les « ravins », ce sont nos envies, nos jalousies, nos peurs, nos angoisses ; les « montagnes », ce sont nos orgueils, notre souci d’être regardés, nos mépris, nos impertinences… En venant vers nous, Jésus veut nous donner la paix. Qu’est-ce qui nous empêche de vivre dans la paix ? Justement toutes ces aspérités que nous pouvons identifier, et qui sont des obstacles sur notre chemin. Donc préparer Noël, c’est « aplanir la route », avoir une manière de vivre qui laisse voir la venue du Seigneur ; montrer autour de nous que Jésus nous délivre des soucis, de l’envie, de la jalousie, et qu’Il apporte la joie et la paix. Soyons de vrais témoins de Noël, en rayonnant de la paix du Seigneur.

Pourtant, même si nous essayons de vivre dans la paix, le monde a parfois l’air de continuer comme si Noël n’avait pas eu lieu. Jésus a apporté la paix, mais il y a toujours des guerres, des conflits, de la violence un peu partout dans le monde – et même proches de nous. Dans la deuxième lecture, saint Pierre nous rappelait que la paix n’était pas encore établie, mais que le monde était en train d’être renouvelé par le Seigneur. « Ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice ». Nous désirons cette « terre nouvelle », mais pourquoi cela n’arrive-t-il pas encore ? Pourquoi la venue de Jésus n’a-t-elle pas mis fin à tous les égoïsmes, à toutes les guerres ?
Nous pouvons être insatisfaits de l’état du monde ; et à juste titre. Surtout les jeunes, qui ont des idéaux et des espoirs ; eux qui héritent de ce monde, sont parfois angoissés devant ce qui se passe, et ont peur de l’avenir. Où est la paix promise ? Comment cela va-t-il finir ? Alors certains ont la tentation de tout bouleverser, de “faire la révolution”. On veut détruire des « systèmes », qui seraient coupables de tous les problèmes et de tous les conflits ; renverser les pouvoirs, changer les manières de penser, bousculer tous les repères. Et on pense que la paix adviendra quand tout aura été détruit puis reconstruit… Mais ce n’est pas dans la destruction que vient le monde nouveau : c’est dans la simplicité de la crèche de Bethléem. La seule vraie paix, la seule « terre nouvelle », elle est d’abord dans notre cœur si nous accueillons Jésus.
Nous ne pourrons jamais sauver le monde par nous-mêmes ; tout ce que nous obtiendrons, c’est le désespoir. Mais avec le Seigneur tout est possible : c’est Lui qui est notre seule Espérance dans ce monde en conflit.

Il y a donc une seule chose à faire : nous convertir ! Laisser la paix du Seigneur entrer dans notre cœur ; Le laisser aplanir nos montagnes, combler nos ravins, nous donner la vraie paix ; et la paix se répandra autour de nous, si nous sommes de vrais témoins de Jésus. Dans le désert, annonçons la venue de Celui qui vient nous sauver !

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Trente-troisième dimanche du Temps Ordinaire — Fidèles en peu de choses

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

« Entre dans la joie de ton Seigneur » : voilà une belle phrase que nous espérons tous entendre un jour, lorsque nous passerons de ce monde à la Vie éternelle ! Comme les serviteurs du maître, nous aurons fait ce que nous pouvons au cours de notre vie, pendant que le maître était “absent” ; et puis lorsqu’il reviendra, nous espérons entrer dans sa joie, une joie éternelle, une joie où il n’y aura plus l’ombre du péché et du mal. Mais la parabole de ce jour nous dit surtout que l’Espérance de la Vie éternelle n’est pas une espérance passive : dans notre vigilance, comme l’écrivait saint Paul [deuxième lecture], nous avons à rester des « fils de la lumière », à « ne pas nous endormir ». Le Royaume des cieux viendra : que faisons-nous maintenant, activement, pour le préparer ?

Le Maître nous invite à être « fidèles en peu de choses ». Nous ne sommes pas des héros, nous ne sauvons pas le monde ; mais à notre mesure, dans notre « peu de choses », notre fidélité est essentielle. C’est une question qui traverse aujourd’hui notre monde, car la plupart du temps, nous avons perdu le sens de notre action. À quoi sert, finalement, d’être fidèles dans ce que nous faisons ? À quoi sert de travailler, à quoi sert de nous fatiguer, de nous dévouer ? Quel que soit notre âge, même si notre travail consiste seulement à apprendre des leçons, à quoi cela sert-il dans l’immensité du monde ? Être fidèle dans le travail, cela semble être une valeur qui se perd. Cette question est de plus en plus actuelle avec le progrès technique : il y a les machines qui font le travail à notre place ; et même, depuis quelques mois, on parle beaucoup de l’“intelligence artificielle”, qui peut tout faire à notre place : elle dessine, elle fait des plans, elle construit, elle compose même des textes, des poèmes, des discours [pas cette homélie, je vous rassure !]. Quelle place reste-t-il alors pour nous ? Certains affirment qu’on travaillera de moins en moins, jusqu’au jour où l’on finira par ne plus travailler du tout…
Ce n’est pas ce que nous dit la Parole de Dieu. Dans la première lecture [Livre des proverbes], nous avons eu un bel éloge de la femme qui travaille, dans le courage, la charité et la fidélité. Elle se dévoue, elle veille, elle donne, elle aime comme Dieu aime. Notre travail a du sens, il n’est pas vain, car il participe à l’œuvre de Dieu ; nous participons à l’Amour de Dieu par notre amour. Il n’y a pas d’un côté notre foi, de l’autre côté notre activité quotidienne : tout ce que nous faisons a une valeur infinie, puisque le Seigneur veut y participer. Si nous sommes « fidèles en peu de choses », Lui aussi se montrera fidèle, et nous fera « entrer dans la joie de notre Seigneur ».

La parabole des talents nous dit la même chose. Tout nous est donné par Dieu : les talents, le monde, la Création. Vivre dans la paix de Dieu, c’est participer à cette œuvre incessante en faisant fructifier ce que nous avons reçu. Il ne s’agit pas de “consommer” passivement les dons de Dieu, comme si nous en étions propriétaires : le monde nous est confié pour le faire grandir. C’est aussi, d’ailleurs, le fondement de l’écologie chrétienne : respecter la Création, l’accueillir comme un don, la faire fructifier, ne pas la consommer ni l’exploiter, mais la cultiver comme un jardin. En prenant soin de ce qui nous entoure – et plus encore de ceux qui nous entourent –, nous trouvons notre dignité et nous agissons comme des « enfants de lumière ».
Nous ne devons surtout pas oublier que le Seigneur Jésus Lui-même a participé à notre travail ! À Nazareth, Il a mis en œuvre les talents qu’Il avait reçus, Il a appris le métier de charpentier avec saint Joseph, Il a béni éternellement notre activité. Dans la mesure où nous Lui offrons notre travail, nous participons à son œuvre. Et aujourd’hui, à travers chaque Eucharistie, c’est encore notre activité de chaque jour que nous offrons au Seigneur par le pain et le vin. Nous ne voulons pas être comme le troisième serviteur (« mauvais et paresseux ») qui n’a rien à rendre à son maître ! Arrivons donc chaque dimanche dans l’église avec quelque chose à offrir de notre semaine. Par exemple, de manière très concrète, prenons un petit temps le matin pour nous préparer à la Messe, en consacrant au Seigneur, dans le secret de notre cœur, quelque chose que nous avons vécu, et qui ne trouve son sens que dans la lumière de son Amour. « Voilà, Seigneur, Tu m’as donné des talents : reçois ce que j’ai essayé de faire fructifier pour Toi… »

Parfois, notre travail ne paraît pas grand-chose ; et nous n’avons peut-être pas l’impression d’avoir reçu beaucoup de « talents » : un seul, alors que notre voisin en a reçu cinq ! Même si c’est tout petit, notre action participe quand même à l’œuvre immense du Seigneur. Il nous invite à être « fidèles en peu de choses »… et nous fait entrer dans la Joie éternelle.

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Trente-deuxième dimanche du Temps Ordinaire — Attendre ensemble dans l'amour

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Notre année liturgique touche bientôt à sa fin (l’Avent commence dans trois semaines), et les Évangiles que l’Église nous propose sont ceux de la fin de la prédication de Jésus, avant le récit de sa Passion. Dans saint Matthieu, c’est le temps pour Jésus d’annoncer son retour, la fin des temps, l’avènement du Royaume de Dieu ; et pour nous, c’est un appel renouvelé à la vigilance. Le Seigneur viendra, comme un Époux qui vient ! Et nous avons à rester dans cette attitude de veille, d’attente, pour laquelle Jésus nous donne quelques indications simples.
Toute la vie des chrétiens est marquée par cette conviction : le Seigneur reviendra et nous L’attendons. Évidemment, nous ne sommes pas des nigauds qui vivent le nez en l’air ! Attendre le Seigneur, c’est surtout reconnaître que le monde est dans un état difficile, en proie au mal et à la violence, mais que cet état est transitoire. Nous attendons la Victoire finale sur le mal ; et cette Victoire (que Jésus a déjà acquise par sa Résurrection) ne sera définitivement obtenue que dans la Gloire de Dieu. Beaucoup dans le monde prétendent combattre et tuer au nom de leur Dieu ; nous chrétiens, nous savons bien que ce n’est pas la violence, mais l’Amour de Dieu qui est victorieux du Mal. Cet amour sera dévoilé en plénitude quand le Christ reviendra.

Jésus annonce donc son retour dans une parabole qui nous parle justement d’amour, puisqu’il s’agit d’un Époux qui vient à ses noces. À dire vrai, cette parabole est un peu étonnante, car on y voit dix jeunes filles qui attendent mais qui s’endorment ; on y voit aussi un Époux qui arrive et se montre impitoyable à celles qui n’ont pas leur lumière ; et surtout, dans ce mariage, on ne voit pas d’Épouse… Mais si Jésus parle de son retour, c’est justement que l’Époux, c’est Lui, et que l’Épouse, c’est nous ! Jésus reviendra par Amour pour célébrer ses noces, son engagement définitif avec l’humanité : l’Épouse est en fait l’Église qui attend la consommation de son Alliance avec le Christ. Nous sommes tous emmenés dans ce mouvement d’Espérance, car le Seigneur est déjà vainqueur ; être vigilants, être attentifs, c’est nous préparer, de tout notre cœur, à participer à la Victoire de l’Époux.
L’attente n’est donc pas une attente individuelle, “chacun pour soi” : le Seigneur nous demande de veiller ensemble, de L’attendre en communauté, en Église. Dans notre prière, la plupart du temps nous ne disons pas « je » mais « nous » (par exemple dans le Notre Père). Notre Espérance se nourrit de la vie communautaire, car c’est là que nous discernons déjà les signes de la Victoire du Christ. Tout à l’heure, de la même manière, saint Paul écrivait aux Thessaloniciens de garder l’Espérance vivante au cœur de leur communauté : « Nous croyons, nous attendons, nous ressusciterons, nous serons pour toujours avec le Seigneur… ». Parmi les dix jeunes filles de la parabole, il y en a qui ont fait provision d’huile et d’autres non, mais en tout cas elles veillent ensemble – et s’endorment ensemble !

C’est donc comme communauté que nous sommes invités à veiller. Comment alors pouvons-nous exercer cette vigilance, pour accueillir l’Époux quand arriveront les noces ? Jésus parle de l’huile pour la lampe, et derrière cette comparaison nous comprenons bien qu’il y a une réalité profonde : nous avons besoin d’un “combustible” pour avancer vers Dieu, et cette huile c’est l’amour. En communauté, en famille, il s’agit de vivre concrètement dans la Miséricorde, la paix, l’Espérance ; se transmettre les uns aux autres l’amour de Dieu, la joie d’être ses enfants. Attendre ensemble le retour du Christ, c’est vivre clairement l’Espérance surtout face aux épreuves de la vie : comment pourrions-nous témoigner de la joyeuse attente du Seigneur, si nous n’avons plus d’huile, si nous désespérons, si nous sommes engloutis par les menaces contre la vie et contre la paix ? Comme famille des enfants de Dieu, comme frères et sœurs, manifestons la certitude de la Victoire du Seigneur.
À titre personnel, bien sûr, il faut aussi méditer sur la provision d’huile qu’on essaie d’accumuler. Là encore, c’est très concret : par des actes de Miséricorde, par la prière, par un comportement paisible, joyeux, par une sollicitude et des attentions visibles, nous mettons de l’huile dans la lampe, et nous nous préparons à participer au retour du Seigneur.

Quelle est donc l’“huile” que nous avons dans le cœur, personnellement et en communauté ? Ce n’est pas une force ou des qualités personnelles, mais une attitude d’éveil et d’attention. C’est ensemble que nous pouvons accumuler de l’amour, car ce qui est donné à l’un appartient à tous ; que le Seigneur remplisse nos cœurs d’Amour, pour vivre dans la paix et la vigilance en attendant son retour !

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Trente-et-unième dimanche du Temps Ordinaire — Avant tout, l'amour de Dieu

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Elles sont bien dures, ces paroles de Jésus dans l’Évangile ! Lui qui est habituellement si doux et si bienveillant, voilà qu’Il se met à traiter les pharisiens d’hypocrites, à leur reprocher durement leurs mensonges et leur duplicité… Il reconnaît pourtant que leur enseignement est bien celui de Moïse [« Ils enseignent dans la chaire de Moïse, faites ce qu’ils vous disent »], mais Il les blâme de ne pas appliquer eux-mêmes ce qu’ils enseignent. C’est à cette lumière qu’il s’agit d’entendre tout ce passage : car si les paroles et les actes ne vont pas dans le même sens, alors Jésus a bien raison de faire ces reproches. C’est vrai des pharisiens, et c’est évidemment vrai aussi pour nous. Les pharisiens ont une manière de se comporter, d’obéir à la Loi de Moïse, qui est très réglementée, très précise : il y a des rites, des purifications, des sacrifices. Jésus ne leur reproche pas ces actions, mais Il leur demande : votre attitude intérieure, votre cœur, est-il aussi purifié que vos mains ? À quoi correspond votre obéissance, si elle n’entraîne pas un changement, une conversion de votre cœur ?

Nous chrétiens, nous n’avons pas une foi qui nous demande d’abord de “faire des choses”, ni d’obéir à des lois ou à des rites. Notre foi est une relation personnelle à Dieu qui se fait connaître : un Dieu qui n’est qu’Amour et Miséricorde. Avoir la foi, c’est en premier lieu chercher à connaître le Seigneur. Jésus nous dit avec force : « Je suis la Vérité » [Jn 14,6] : chercher à connaître Dieu, c’est chercher le visage du Christ, et donc chercher la Vérité. C’est ce qui fait la nouveauté incroyable de l’Évangile : l’homme est capable de connaître Dieu en vérité, car à travers Jésus nous faisons la rencontre de son Père.
Pour d’autres traditions spirituelles, Dieu est infiniment éloigné : personne ne peut Le connaître, il s’agit seulement d’obéir à des lois, à des rites, à des prières. Et puis, quand on a tout fait “comme il faut”, on est un bon croyant ! C’est justement ce que reproche Jésus aux pharisiens : ils oublient de rencontrer le Seigneur. Je fais ce que j’ai à faire, j’accomplis les ablutions, les rites, je porte des franges comme il faut, et je suis parfait devant Dieu. Mais est-ce que je connais Dieu, est-ce que je Le prie, est-ce que je L’aime de tout mon cœur ? C’est la seule chose qui compte vraiment ; et c’est ce que les pharisiens, apparemment, ont laissé de côté !
Jésus ne cesse de nous le dire : Je suis venu pour que les hommes aient la vie, qu’ils connaissent mon Père, qu’ils Le prient, qu’Ils reçoivent son Amour infini ; J’ai donné ma vie pour vous, afin que vous soyez dans la Vérité, que vous soyez saints comme Dieu est Saint (la fête de la Toussaint nous le rappelait mercredi). Ce que nous désirons de tout notre cœur, c’est de ressembler de plus en plus à Jésus, dans toute notre manière de vivre et de prier. Au-delà des commandements, il s’agit d’aimer le Seigneur, de Le connaître, de vivre dans la Vérité. C’est le seul chemin, surtout en ces temps difficiles, pour dépasser les conflits, les haines, les guerres : l’Évangile, si nous le prenons au sérieux, est l’unique voie de pardon et de réconciliation.

C’est ainsi, je crois qu’il faut comprendre les autres paroles de Jésus à propos des titres que les hommes se donnent : père, rabbi, maître. Notre seule vocation est de connaître Dieu, car c’est Lui qui est le seul Père, le seul Maître, le seul Rabbi (enseignant). Nous avons la mission, chacun selon notre vocation, d’aider nos frères à faire la rencontre unique du Seigneur, cette rencontre qui change la vie. Nous n’avons pas à leur dire ce qu’il faut faire, ou comment obéir à des lois, mais d’abord à les conduire à Jésus, seule Vérité : le seul qui soit en mesure de répondre à toutes nos questions. C’est pourquoi personne ne peut s’attribuer une autorité qui n’appartient qu’à Dieu : quand on témoigne de l’Évangile, le but n’est pas de se faire aimer, mais de faire aimer le Seigneur ! Dans l’Église il y a certes des “pères” et des “maîtres”, mais ils doivent être uniquement des reflets de la paternité de Dieu.
Tout à l’heure, nous avons justement entendu saint Paul qui ouvrait son cœur aux Thessaloniciens [deuxième lecture] : « Nous avons été pleins de douceur avec vous, comme une mère qui entoure de soins ses nourrissons » ; et ailleurs, dans une Lettre aux Corinthiens, il écrit aussi : « C’est moi qui [comme un père] vous ai donné la vie dans le Christ Jésus » [1Co 4,15]. Paul ne prétend pas remplacer Dieu : il désire être lui-même un témoignage de la paternité (et même de la maternité !) de Dieu. Il s’efface devant le Seigneur, il veut que les croyants deviennent de plus en plus enfants du Père.

En ce dimanche, faisons donc grandir notre foi : en écoutant la Parole de Dieu, nous Le connaissons, nous vivons de plus en plus dans son Amour. « Il n’y a qu’un Père, celui qui est aux cieux » : soyons des enfants de Dieu pleins de joie, tournés vers l’Amour du Père !

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Vingt-neuvième dimanche du Temps Ordinaire — Rendez à César…

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Nous connaissons bien ce passage de l’Évangile, qui est repris non seulement dans saint Matthieu, mais aussi dans Marc et Luc : c’est dire son importance dans la Parole de Dieu. À partir des mots de Jésus, on a même fait un proverbe : « Rendez à César ce qui est à César » ; et on l’applique à beaucoup de situations… qui n’ont souvent rien à voir avec ce passage !
À première vue, les paroles de Jésus semblent faire une séparation entre César et Dieu. D’un côté il y aurait les “affaires du monde”, la politique, les impôts, l’argent, le commerce… et puis de l’autre, il y aurait les “affaires de Dieu” : la prière, la morale, les commandements de Dieu. Et notre vie serait alors “coupée en deux” ; par exemple on s’occuperait des affaires du monde du lundi au samedi, et puis le dimanche serait réservé à Dieu. C’est assez confortable, car cela implique que le Seigneur n’a rien à voir dans nos activités de chaque jour : on peut être parfaitement malhonnête et cupide dans nos affaires, ce n’est pas grave si le dimanche on vient à la messe ! Bien sûr, j’exagère un peu… mais sommes-nous sûrs que nos occupations de la semaine nous permettent de « rendre à Dieu ce qui est à Dieu » ?

Revenons donc à ce dialogue entre Jésus et les pharisiens. À l’origine, il y a un piège tendu à Jésus : on cherche à Le prendre en défaut sur le sujet sensible de l’occupation romaine. Peut-être Jésus va-t-Il prendre position contre les Romains, et on Le dénoncera comme séditieux… La question est donc plus large que celle de l’impôt. Quelle est l’autorité légitime ? Qu’est-ce qui est juste, et à qui pouvons-nous faire confiance pour faire justice ? C’est une question essentielle pour les Juifs de l’époque. Effectivement, Jérusalem est occupée depuis près de cent ans par les Romains ; cela fait cinq cents ans que les vrais rois d’Israël n’existent plus, donc qui est légitime pour diriger le peuple ? L’empereur César est un païen, ses troupes sont étrangères, idolâtres et cruelles… À qui faire confiance ?
Face au pouvoir de l’Empereur, au pouvoir politique, la question est celle de l’origine de ce pouvoir. D’où vient l’autorité que certains ont sur les autres ? Il faut se méfier de celui qui dit : l’autorité vient de moi, j’ai le pouvoir par moi-même. Les chrétiens sont naturellement obéissants : on peut rendre à César ce qui permet à une communauté de vivre dans la paix. Mais justement, parce qu’il y a autre chose : il y a un pouvoir au-dessus de César, une présence de Dieu qui donne un sens à tout le reste. L’Empereur a une certaine autorité, mais notre relation à Dieu dépasse cette autorité. La dignité de l’homme n’est pas soumise à la politique ; si quelqu’un a une autorité légitime, il n’a pas pour autant le pouvoir de changer le bien et le mal, de transformer la morale, de faire régner le mensonge. « Rendre à Dieu ce qui est à Dieu », c’est le rappel de notre magnifique vocation que personne ne peut nous enlever, celle d’être nous-mêmes des images de Dieu. Jésus montre bien que sur la pièce de monnaie, il y a l’effigie de César, mais que sur notre visage à nous, il y a l’effigie de notre Père : rien ne peut nous ôter cette ressemblance ; personne ne peut nous séparer de l’Amour de Dieu. Si César tente de se mettre au-dessus de Dieu, tout ce qu’il arrivera à faire, c’est créer une société inhumaine : une communauté privée de la présence du Seigneur ne peut qu’entretenir le conflit de tous contre tous.

Alors d’où vient le pouvoir de César ? Est-ce qu’il se donne le pouvoir à lui-même ? Nous pouvons nous rappeler la belle parole de Jésus dans l’Évangile : « Ne donnez à personne le nom de père, car vous n’avez qu’un seul Père ; ne vous faites pas non plus donner le titre de maîtres, car vous n’avez qu’un seul maître, le Christ » [Mt 23,9]. Dieu est la source de toute autorité ; et si je veux un pouvoir hors de Dieu, cela n’a aucun sens. Dans la première lecture, Dieu parlait au roi Cyrus pour lui dire qu’Il lui avait donné la puissance : « Je t’ai rendu puissant, pour que l’on sache que je suis le Seigneur ». L’autorité du roi doit montrer quelque chose de la sagesse de Dieu, sinon c’est une usurpation. Il est si facile, quand on a le pouvoir, de se prendre pour Dieu ! C’est vrai pour les rois, mais c’est vrai aussi parfois de nos démocraties…

Alors, finalement, à qui faire confiance, comme les pharisiens le demandent à Jésus ? Rendez d’abord à Dieu ce qui est à Dieu. On peut faire confiance au Seigneur, bien sûr, car son pouvoir n’est qu’un pouvoir d’Amour et de Miséricorde. Et on peut aussi faire confiance à ceux qui écoutent la Parole de Dieu, qui se laissent guider par la Sagesse de Dieu. Le vrai père est celui qui exerce la paternité de Dieu, le vrai dirigeant est celui qui dirige vers l’Amour de Dieu. Alors, dans la confiance, on pourra « rendre à César »… ce qui lui appartient !

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Vingt-septième dimanche du Temps Ordinaire — Rendre à Dieu par amour

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

« La vigne du Seigneur, c’est la maison d’Israël », nous disait le prophète Isaïe [première lecture] ; dans l’Évangile, nous avons aussi entendu cette image de la vigne. Une vigne, c’est très beau à contempler, cela donne un fruit délicieux, on peut aussi en faire du vin qui « réjouit le cœur de l’homme » [Psaume 104(103),15] : c’est l’image du don de Dieu, abondant et savoureux. Mais une vigne, c’est aussi beaucoup de travail : cela ne pousse pas tout seul. Il faut nettoyer la terre, enlever les mauvaises herbes et les insectes… La vigne est donc une très bonne image du don de Dieu : don qui est gratuit et généreux, mais qui suppose notre coopération. Le Seigneur ne nous laisse pas nous reposer ! Il nous donne beaucoup de choses, mais c’est à nous de travailler pour mettre en valeur ce qu’Il nous donne.

Au début de cette année, en cette période de rentrée, nous sommes comme les vignerons de l’Évangile : le « propriétaire » nous confie une vigne, c’est-à-dire une année complète, pour la faire fructifier. Alors, qu’allons-nous faire de cette année ? Le Seigneur ne nous abandonnera jamais, Il nous accompagnera, Il prendra soin de nous, comme le maître prend soin de sa vigne. Quels types de raisins allons-nous porter ? Des beaux raisins, comme le demande le prophète Isaïe, ou bien des raisins amers ?
La parabole de l’Évangile nous rappelle que nous ne sommes pas propriétaires de la vigne : c’est le Seigneur qui nous la donne – ou plutôt, nous la confie. En disant cela, nous entrons déjà dans une dimension écologique : nous ne sommes pas propriétaires de la Création, mais le Seigneur nous la confie pour que nous en prenions soin. Et plus généralement, ce que nous faisons, nous le faisons sous le regard plein d’amour de Dieu. Ainsi, quand nous travaillons, nous travaillons pour le Seigneur, c’est-à-dire pour que l’Amour de Dieu se répande dans le monde. Nous ne travaillons pas pour nous-mêmes, pour nous enrichir, avoir de la puissance ou écraser les autres : nous devons rechercher le bien commun, le bien de tous les hommes.
Bien sûr (en ce temps de rentrée), ceux parmi nous qui étudient, qui travaillent pour apprendre, pourront me répondre qu’ils travaillent pour eux-mêmes ! C’est aussi vrai, mais la vocation des élèves, des étudiants, c’est de grandir en sagesse pour devenir des adultes responsables et croyants ; pour être capables de servir Dieu et les hommes. Notre activité est toujours tournée vers l’amour, sans quoi elle est stérile. Si nous n’avons pas ce regard vers l’infini, au-delà de notre activité de chaque jour, alors notre vie n’a aucun sens : combien de nos contemporains, de nos proches, ne savent plus pourquoi ils vivent, ni pourquoi ils travaillent ? Dans la foi, nous pouvons travailler par amour, travailler pour le Seigneur.

L’histoire que raconte Jésus dans la parabole de la vigne, c’est en quelque sorte l’histoire de l’homme et de son péché. Nous avons toujours la tentation de nous attribuer le don de Dieu, de croire que les choses nous appartiennent. Autour de nous, beaucoup vivent comme s’ils étaient seuls, comme si le Seigneur était complètement absent du monde. On vit au jour le jour, et l’on ne voit pas l’Amour qui nous crée et qui nous accompagne ; on ne pense pas non plus au temps de la récolte, où le Seigneur nous demandera les fruits de la vigne.
Mais le Seigneur nous rappelle sa présence ; Il nous rappelle que notre vocation consiste à Lui rendre, dans l’amour, tout ce qu’Il nous a donné par Amour. Dans la parabole, le propriétaire envoie des serviteurs : ce sont les prophètes d’Israël. Puis il envoie son propre fils, l’héritier, qui est Jésus et qui sera rejeté par les hommes. Les vignerons veulent bien profiter de la vigne, mais ils ne veulent pas se rappeler de la présence du maître ! De la même manière, les hommes d’aujourd’hui aiment bien les dons de Dieu, ils profitent de ce qu’ils ont reçu ; on prend soin du monde, on a même des valeurs, de l’honnêteté, de la morale… mais il est difficile pour beaucoup d’accepter une Présence qui nous dépasse, un Dieu qui nous appelle au dialogue, qui nous dérange dans notre petit confort. Et pourtant, c’est seulement Lui, le Seigneur, qui donne le vrai sens à notre vie.

Au début de cette année, nous sommes donc invités à faire un choix : comment allons-nous vivre ? Pour nous tout seuls, ou pour le Seigneur ? Allons-nous utiliser les dons de Dieu pour plus d’amour, pour plus de générosité envers les autres ? Que notre vigne, notre travail, soient toujours remplis de l’Amour de Dieu ; ainsi nous pourrons, dans la joie, rendre au Seigneur ce qu’Il nous a confié.

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Vingt-sixième dimanche du Temps Ordinaire — Être vraiment libre

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Celui qui « a fait la volonté du père », bien entendu, c’est celui qui a obéi et qui est allé travailler à la vigne. Les paroles sont utiles, mais elles sont bien insuffisantes si elles ne sont pas suivies d’actes ! Nous avons certainement tous connu des déceptions, parce qu’on nous a fait des promesses, et puis rien ne s’est passé ; souvent, la confiance est brisée. Bien sûr, il y a aussi le domaine politique, où certains engagements ne sont pas tenus… Mais plus largement, il faut nous demander nous-mêmes si nos paroles nous engagent vraiment. Est-ce que parfois, nous ne répondons pas pour faire bonne figure, pour être bien vus ; ou même pour nous débarrasser d’un importun ?

L’essentiel, c’est de dire la vérité et de faire la vérité en toutes circonstances. Ailleurs, Jésus nous dit : « Que votre oui soit oui, que votre non soit non » [Mt 5,37] : mettez votre comportement en accord avec vos paroles. Si nous nous disons disciples du Christ, alors soyons disposés à L’écouter, à Le suivre, à faire de sa Parole un guide permanent pour nos choix, à mettre en pratique ses commandements. Faire la vérité, c’est agir sous le regard du Seigneur, non pas par contrainte ou “pour se faire bien voir”, mais simplement parce que l’Amour nous guide. Et vivre ainsi, c’est un choix de liberté. Être chrétien, c’est être pleinement libre ! Car nous ne sommes pas guidés par le souci de nous faire bien voir, mais par la vérité de l’Amour libérateur.
Le prophète Ézéchiel, dans la première lecture de ce jour, nous rappelait qu’il peut y avoir des changements dans une vie : il y a des « justes qui se détournent de leur justice » pour faire le mal, et inversement il y a des « méchants qui se détournent de leur méchanceté pour pratiquer la justice ». Mais le message du Seigneur est toujours nouveau : Il ne tient pas compte du passé, Il nous libère de notre vie antérieure. Dans la foi, nous savons que nous ne sommes pas emprisonnés par nos regrets, nos remords, le souci du passé. Le Seigneur « fait toutes choses nouvelles » [Ap 21,5], Il nous fait sans cesse avancer par sa Miséricorde qui renouvelle le monde. Le chrétien n’est pas retenu par les usages, par le qu’en-dira-t-on, ou par sa propre fierté : il sait que l’essentiel est d’abord de faire le bien, c’est-à-dire d’accomplir la volonté du Père. Même si, comme le premier fils de la parabole, on a dit « non » au Seigneur par le passé, ce n’est pas grave ! car la Miséricorde du Père est toujours en action. Nous sommes libres, rien ne peut nous retenir dans notre chemin vers Dieu.

Être disciples du Christ, c’est donc être pleinement libérés par son Amour. Dans tout ce que nous faisons, dans la manière dont nous conduisons notre vie, ce qui nous guide est le désir de répondre à cet Amour. On peut agir pour se mettre en avant, par souci de son image personnelle ; on peut agir aussi par désir d’une récompense ; et on peut même faire les choses par contrainte. Mais dans notre relation avec le Seigneur, ce qui domine, c’est la liberté et la gratuité. Chercher une récompense, c’est encore un acte d’égoïsme, car on est tourné vers soi-même au lieu de chercher le bien. La seule récompense de l’Amour, c’est l’Amour ! Saint Bernard disait ainsi : « La raison d’aimer Dieu, c’est Dieu Lui-même ; nous aimons [tout simplement] pour aimer ».
Jésus est venu pour nous libérer de toutes les contraintes, du regret et de l’orgueil. L’expérience chrétienne est une libération ; mais c’est aussi la conscience que la liberté n’est jamais acquise, et que nous avons sans cesse à la puiser à sa source, c’est-à-dire dans le Cœur de Jésus. Lui, Jésus, est l’homme parfaitement libre, et c’est en L’imitant que nous sommes libérés. Saint Paul invitait les Philippiens [deuxième lecture] à l’unité, à la charité fraternelle ; et il leur rappelait que le Christ s’était fait obéissant, humble, serviteur jusqu’au don de sa vie sur la Croix. Pour vivre une vie fraternelle, joyeuse, délivrée du péché, les disciples du Christ sont invités à la même attitude. Le paradoxe de la vie chrétienne, c’est qu’en se faisant humble serviteur, on est pleinement libre. Le monde nous dit le contraire : on serait libre en devenant puissant et supérieur aux autres. Mais dans le Christ, nous savons que la vraie liberté consiste à s’affranchir de la fausse puissance, de l’orgueil, de l’enfermement sur soi-même, du souci du plaisir et des richesses, de la convoitise. Seul le Seigneur Jésus nous a obtenu la liberté, en allant jusqu’au bout de l’Amour.

Oui, « faire la volonté du Père » comme nous y invite Jésus, c’est l’unique chemin de liberté ; car il nous détache de l’hypocrisie, du remords, des paroles vaines, du souci de notre image. Avec le Seigneur, tout est toujours renouvelé ! Soyons des chrétiens vraiment libres, et le monde connaîtra le Christ.

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Vingt-cinquième dimanche du Temps Ordinaire — La prière

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

« Allez travailler à ma vigne », dit le Maître aux vignerons. Il nous dit la même chose aujourd’hui, en cette journée de rentrée : Allez travailler à la vigne du Seigneur, ne restez pas « toute la journée sans rien faire ». Le monde a besoin de bons ouvriers de la vigne, les hommes ont besoin de témoins qui transmettent l’Amour du Seigneur. Allons-y ! Prenons de notre temps pour faire vivre l’Évangile, n’hésitons pas à témoigner de notre foi : le monde sera plus beau et plus humain s’il est conduit par le Christ ! L’image de la vigne, déjà dans l’Ancien Testament, représente le peuple d’Israël qui grandit et porte du fruit : nous en sommes les héritiers.

La parabole que nous raconte Jésus aujourd’hui parle donc de ceux qui travaillent à la vigne ; et à la fin, ils reçoivent leur récompense. Mais il y a quelque chose de curieux dans cette histoire, et c’est justement pour cela que nous l’entendons : c’est l’injustice apparente de la situation finale. Ceux qui ont travaillé une seule heure (les « ouvriers de la onzième heure ») reçoivent le même salaire que ceux qui ont passé toute la journée sous le soleil. Bien sûr, c’est objectivement injuste, car on considère à juste titre que tout travail mérite salaire : ce sont les valeurs qu’on essaie de transmettre aux plus jeunes. On est jugé – et rémunéré – selon ses actions ; le travail est une noble chose, qui fait vivre, qui rend fier, qui est source d’épanouissement. Donc normalement, plus on travaille, plus on en retire de dignité et de juste salaire.
Mais ici, Jésus ne nous fait pas un cours de “gestion des ressources humaines” ; ce serait un mauvais cours et la conclusion ne serait pas satisfaisante. C’est une parabole, non pas une situation réelle ! Ce dont il s’agit, c’est le « Royaume des cieux » ; et le travail de la vigne ne se mesure pas en heures et en minutes. Le critère de ce travail n’est pas le mérite ou le courage de l’homme, mais la bonté de Dieu : nous ne parlons pas de justice et d’égalité humaines, mais de l’Amour surabondant du Seigneur. Le travail de la vigne est d’abord un don de Dieu : Il nous montre une manière de vivre qui correspond à notre désir, à notre soif d’Amour. En nous laissant conduire par le Seigneur, nous prenons la seule direction qui ne nous décevra jamais, qui nous oriente vers l’Éternité. Travailler à la vigne n’est pas une contrainte, mais une ouverture à l’infini. Et cette proposition, nous dit la parabole, nous est faite à tout moment ! Au début de notre vie comme à la onzième heure : il n’est jamais trop tard pour se mettre à l’écoute du Seigneur. Le prophète Isaïe nous le disait tout à l’heure : « Cherchez le Seigneur tant qu’il se laisse trouver ; invoquez-le ; revenez vers le Seigneur, qui vous montrera sa miséricorde ».

Travailler à la vigne du Seigneur, c’est donc d’abord – comme dit Isaïe – chercher le Seigneur. Ce qui compte n’est pas le nombre d’heures que nous occupons, mais la sincérité du cœur qui cherche à connaître Dieu. C’est pour cela que le Seigneur nous invite souvent à prier ; et qu’il est bon, pour une communauté paroissiale, de se rappeler l’importance immense de la prière comme source de toute vie chrétienne [cf. thème de la journée de rentrée]. Prier, c’est faire grandir la “vigne du Seigneur” qui se trouve dans notre cœur ; prier c’est se mettre en position d’accueillir Dieu dans notre vie. C’est être habité par l’Esprit saint, être de plus en plus ressemblant à Jésus, se tenir plein de confiance face au Père.
La prière a besoin de temps, bien sûr ; mais comme pour l’histoire de la vigne, l’essentiel n’est pas de passer une heure ou douze heures. Après tout, nous ne sommes pas des Chartreux et nous ne pouvons pas prier toute la journée ! Chacun fait selon ses possibilités ; mais l’important est d’avoir en nous le désir de connaître Dieu de l’intérieur. Voulons-nous aimer le Seigneur, voulons-nous Le rencontrer dès maintenant, et voulons-nous vivre éternellement avec Lui, lorsque arrivera le « soir » de notre vie et qu’Il nous donnera notre salaire ? Si nous désirons tout cela, nous désirons en même temps donner du temps pour prier, pour connaître l’Amour du Seigneur. Cela peut être quelques instants le matin, ou le soir, selon nos occupations ; encore une fois, il n’est jamais trop tard ! Mais que serait notre foi, notre amour de Dieu, si nous restions toujours à la surface de la vie ; si nous n’entrions pas de temps en temps dans le secret de notre cœur où Dieu habite ?

D’une certaine manière, la prière est un effort à faire ; comme un bon ouvrier, il s’agit de persévérer pour travailler avec Dieu. Mais on comprend vite que ce n’est pas nous qui faisons grandir la vigne : c’est le Seigneur qui fait tout le travail. Alors « allons à la vigne du Seigneur », prenons du temps par amour, et notre vie sera illuminée par la prière !