Homélies

Paroisse Sainte-Croix

Les homélies du dimanche

Voir aussi les homélies sur la paroisse Saint-Thomas de Rochebrune en cliquant ci-dessous.

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Deuxième dimanche de Pâques — Les fruits de la Résurrection

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Nous voici à l’octave de la Résurrection, c’est-à-dire au huitième jour depuis que le Seigneur a vaincu la mort. C’est pour cela que nous avons entendu cet épisode important de l’Évangile selon saint Jean : celui qui se passe « huit jours plus tard », avec le dialogue bien connu entre Jésus et saint Thomas – celui qui « ne croit que ce qu’il voit ». On se sert parfois de ce passage pour expliquer que nos contemporains aient du mal à croire en Jésus… Mais c’est trop souvent une mauvaise excuse qui justifie un manque de confiance ! En réalité, Thomas est surtout celui qui s’engage pleinement à la suite de Jésus ; un homme courageux qui proclame sa foi sans revenir en arrière : « Mon Seigneur et mon Dieu ! ».

Huit jours après la Résurrection, dans la joie de Pâques, nous sommes appelés nous aussi à faire cette proclamation : « Mon Seigneur et mon Dieu ! » ; non pas seulement par des paroles, mais par toute notre vie, comme saint Thomas. La Résurrection doit porter du fruit et transformer la manière dont nous vivons.
À quoi sert-elle, cette Résurrection ? Si elle ne change rien pour nous, elle n’a pas de sens. Est-elle juste un prodige extraordinaire, pour montrer à tous les peuples que Jésus est “le plus fort”, et qu’on a raison de croire en Lui ? Ou bien est-elle seulement une manière de faire en sorte que l’histoire de Jésus se “termine bien”, comme dans un film d’action ? Après une situation désespérée, le héros semble mort… et puis finalement il revient et gagne le combat contre ses ennemis. Est-ce juste cela, la Résurrection, une manière de dire : « Tout est bien qui finit bien » ?
Si la Résurrection nous est donnée (et si elle est au centre de la foi en Jésus-Christ), ce n’est pas pour rester un fait isolé : c’est pour porter du fruit pour ceux qui croient en Lui. Porter du fruit dans notre vie actuelle, et au-delà, dans la Vie éternelle. La Résurrection est advenue pour briser la limite entre la vie, la mort, et la Vie en Dieu. Puisque nous sommes « baptisés dans la mort et la Résurrection de Jésus » [cf. Rm 6,4], notre vie est déjà victorieuse de la mort, et nous sommes déjà entrés dans l’Éternité. Si Jésus est ressuscité, c’est pour que nous soyons nous-mêmes ressuscités : notre vie éternelle commence dès maintenant. En Dieu, aujourd’hui, nous recevons déjà ce qui nous fera vivre éternellement : l’Amour, la réconciliation, le pardon, la fermeté dans la foi.

Cette présence de Dieu dans notre vie, c’est aussi le thème de ce deuxième dimanche de Pâques : le dimanche de la Divine Miséricorde (qui a été voulu comme un thème central par le saint pape Jean-Paul II). La Miséricorde de Dieu, c’est bien plus qu’une simple gentillesse ou une sollicitude du Seigneur : c’est la force suprême de la Victoire du Christ sur la mort. La force de la Miséricorde dépasse toutes nos certitudes humaines (comme celles de saint Thomas) ; elle dépasse nos manières de penser, nos idées, et même notre conception de l’amour.
La Victoire totale du Christ ne passe pas (comme on imagine une victoire) par l’écrasement des ennemis, des méchants et des impies : la Victoire de la Miséricorde, c’est un surcroît d’Amour qui est plus grand que le Mal. C’est cela le centre de notre foi : la Résurrection apporte une lumière qui n’éblouit pas, qui n’agresse pas ; mais qui éclaire et qui invite avec douceur à la conversion du cœur. Le fruit de la Résurrection, c’est cette douce Miséricorde qui nous fait déjà entrer dans l’Éternité de l’Amour de Dieu. Elle porte du fruit, par exemple dans la première communauté chrétienne telle que nous l’avons entendue dans les Actes des Apôtres [première lecture] : « Ceux qui étaient devenus croyants avaient un seul cœur et une seule âme ; ils avaient tout en commun ; une grâce abondante reposait sur eux tous ». Le fruit de la Résurrection, c’est une fraternité nouvelle et sans limites ; c’est la victoire de la Miséricorde sur l’avarice, sur l’égoïsme et l’individualisme.

En ce dimanche après Pâques, nous sommes donc invités à raviver en nous les sources du Baptême que nous avons reçu : ce Baptême qui nous a fait mourir au péché, ressusciter avec Jésus, et vivre dans la Miséricorde. Nous sommes victorieux une fois pour toutes par le Christ ressuscité ; nous vivons déjà dans l’Éternité avec le Seigneur. Prions surtout pour les néophytes, ces nouveaux baptisés de Pâques dont le nom signifie « nouvelles plantes » : qu’ils prennent toujours plus conscience qu’ils ont été renouvelés par la Résurrection, qu’ils sont vainqueurs du péché par la Miséricorde de Dieu. Que la Vie de Jésus ressuscité porte du fruit pour tous les baptisés !

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Cinquième dimanche de Carême — Contempler Dieu dans son Amour

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Avec le cinquième dimanche de Carême, nous entrons dans une “nouvelle phase” de notre cheminement : le temps de la Passion, qui nous conduira bien sûr au Jeudi saint, au Vendredi saint, jusqu’à la Résurrection du Seigneur. Après avoir choisi depuis quatre semaines d’être des disciples, nous tournons notre regard vers Celui qui va être rejeté par les hommes, souffrir et mourir pour notre salut. Avec nos efforts de purification intérieure, nous espérons que notre regard est plus clair pour comprendre la signification des événements de la Semaine sainte. Les prières de la Messe sont désormais orientées de manière plus explicite vers ce temps de la Passion qui va commencer.

Ce que nous avons cultivé pendant ce Carême, c’est d’abord notre relation à Dieu. Pour entretenir une relation, évidemment, il faut être deux, et le vouloir ensemble ! [Les fiancés qui sont parmi nous le savent bien.] Quand nous parlons de relation avec Dieu, il y a donc cette volonté de dialoguer : de la part de Dieu, et de notre part. D’abord, il y a le Seigneur qui se penche vers nous, avec tout son Amour, pour nous sauver et nous faire grandir dans notre vocation d’hommes et de femmes. L’initiative vient de Lui ; mais nous ne sommes pas passifs dans cette relation. Au plus profond du cœur de l’homme, il y a la soif de connaître Dieu, le désir de comprendre le sens de notre vie. Qui est ce Dieu qui nous donne la vie et qui conduit le monde ? C’est la demande faite aujourd’hui, dans l’Évangile, par « quelques Grecs qui étaient montés à Jérusalem » : « Nous voudrions voir Jésus », disent-ils à l’Apôtre Philippe. C’étaient sans doute des Grecs qui croyaient au Dieu d’Israël ; mais ils avaient été élevés dans la philosophie grecque, donc dans la recherche de la Vérité. Alors ils veulent voir Dieu, et connaître la Vérité !

Mais comment faire la rencontre de ce Dieu si mystérieux ? Dans la tradition grecque, on trouve donc Dieu dans la sagesse et la vérité. Mais il y a d’autres traditions de par le monde. Au début de son Histoire, l’homme a essayé de trouver Dieu dans les éléments naturels : le soleil, la foudre, la mer… il a ainsi créé le polythéisme. Il a aussi cherché Dieu dans la puissance ; et les pharaons, les rois, les empereurs, sont devenus des dieux ! Ou encore, il a cherché Dieu dans la méditation, dans l’intérieur de son âme : ce sont toutes les traditions orientales, le bouddhisme etc.
Mais que répond l’Évangile à cette demande de voir Dieu ? Nous chrétiens, disciples de Jésus, comment pouvons-nous voir Dieu ? Jésus donne une réponse inattendue : Il annonce sa Passion. « Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Ce qu’Il annonce, c’est qu’Il va mourir et que cette mort va « porter du fruit ». Il ajoute aussi, car Il partage notre fragilité humaine, qu’il est « bouleversé » devant ce qui va arriver.
Si nous voulons rencontrer le Seigneur, il ne faut donc pas le chercher ailleurs : ni dans la puissance ni dans des idées ésotériques… Là où Dieu se révèle, c’est dans le don d’Amour que Jésus fait de sa vie. Dans une dizaine de jours, sur la Croix, nous verrons Dieu dans ce qu’Il a de plus intime : son Amour pour les hommes. On ne connaît quelqu’un que par l’amour qu’il partage [et là encore, les fiancés le savent très bien !]. Le Seigneur se donne à connaître par la Croix : c’est en donnant sa vie pour nous, que Jésus nous montre vraiment qui est Dieu. Bien sûr, dans l’Évangile nous voyons aussi Jésus faire des guérisons, annoncer le Royaume de Dieu ; mais c’est sur la Croix que nous entrons vraiment dans le Mystère du Dieu qui est Amour.

C’est pour cela que le temps de la Passion, qui va commencer, est le moment le plus important de toute l’année. En voyant Jésus donner sa vie, nous comprenons le sens de notre vie, qui est orientée vers le don et l’amour. Sur la Croix, comme Il le dit, « j’attirerai à moi tous les hommes » ; afin que chacun sache comment vivre et comment aimer.
Ainsi, nous avons vu Dieu ! Le désir de notre cœur est satisfait en voyant Jésus, « le grain de blé qui meurt et porte du fruit ». Avec Jésus, nous pouvons avancer dans la vie, faire des projets, prendre des décisions, puisque nous connaissons Dieu et nous savons où nous allons. Le Seigneur nous communique son Amour, non pas par des commandements, mais par l’intérieur de notre cœur, comme le disait tout à l’heure le prophète Jérémie : « Je mettrai ma Loi au plus profond d’eux-mêmes ; je l’inscrirai sur leur cœur. Je serai leur Dieu, et ils seront mon peuple ».

Préparons-nous donc au temps de la Passion ! Le Seigneur va se donner à voir, Il va nous révéler qui nous sommes et à quoi nous sommes appelés : comme Jésus, aimer jusqu’à donner sa vie.

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Troisième dimanche de Carême — Ne pas profaner le Temple de Dieu !

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

« Jésus connaissait ce qu’il y a dans l’homme », nous dit l’Évangile. Jésus connaît notre cœur, nos tentations, nos difficultés, nos péchés, nos efforts pour faire le bien… Lui seul nous connaît entièrement, c’est pourquoi nous pouvons Lui faire entièrement confiance. Celui qui nous juge, qui nous jugera à la fin, ce n’est pas quelqu’un d’extérieur : c’est Lui qui demeure en nous par son Esprit, qui nous connaît ; et qui nous aime tellement, qu’Il a donné sa vie pour nous. Dimanche après dimanche en ce Carême, notre confiance doit grandir ; en rejetant le péché, c’est la Miséricorde du Christ qui entre progressivement dans notre vie.

Jésus est « doux et humble de cœur » [Mt 11,29] et nous pouvons Lui faire confiance. Et pourtant, dans l’épisode de l’Évangile d’aujourd’hui, Il n’est pas tellement doux : Il se met en colère (ce qui est rare), Il est même violent (ce qui est encore plus rare !) en se faisant « un fouet avec des cordes » et en chassant du Temple les marchands et les changeurs. Nous devinons que si Jésus se comporte ainsi, c’est qu’il se passe quelque chose d’exceptionnel : quelque chose de très grave, qui justifie ces actions étonnantes. Que se passe-t-il ? Le Temple de Jérusalem est le lieu le plus sacré, le lieu où Dieu a choisi d’habiter, et ce lieu sacré est profané par les marchands, qui font leurs petites affaires et ne sont plus conscients de la présence redoutable de Dieu.
C’est pourquoi Jésus n’hésite pas à se montrer violent : parce que l’enjeu est immense. Ce Temple, qui est consacré à Dieu, n’est plus disponible aux petites préoccupations (et au commerce) de l’homme. Ce qui est consacré est signe, et doit le rester : signe de la présence de Dieu, signe de l’Alliance que Dieu a voulu conclure avec les hommes. Ce signe ne doit pas disparaître derrière les pièces de monnaie, les brebis et les bœufs ! Le Temple est le lieu où Dieu habite, le canal par où Dieu communique avec les hommes. Si l’on brise cette consécration, si l’on profane le Sanctuaire, alors Dieu ne peut plus venir vers les hommes ; les hommes n’entendent plus la voix du Seigneur, ils n’ont plus d’Espérance et ne comprennent plus le sens de leur vie. Sans la présence de Dieu, l’homme se perd dans le désespoir.

Le Temple de Jérusalem était donc ce “lien” entre la terre et le ciel, le chemin par lequel Dieu et l’homme entrent en dialogue. Jésus lui reconnaît ce rôle essentiel. Mais Il va plus loin, car désormais il y a un nouveau Temple, un nouveau Sanctuaire. Dans l’Évangile, par la Passion du Christ, le Temple de Jérusalem est périmé : saint Matthieu rapporte que lors de la mort de Jésus, « le rideau du Temple se déchire de haut en bas » [27,51], signe que Dieu n’habite plus dans le Sanctuaire. Le vrai Temple où Dieu habite, c’est maintenant le Corps de Jésus, celui qui sera « détruit et relevé en trois jours ». Le signe de la consécration à Dieu, le vrai Temple, le lien entre la terre et le ciel, c’est Jésus : en Lui se trouve toute notre Espérance, notre dialogue avec Dieu.
Mais le Corps de Jésus, c’est aussi le nôtre : nous aussi, nous sommes consacrés pour être le Temple de Dieu, comme l’écrit saint Paul : « Ne savez-vous pas que vous êtes un sanctuaire de Dieu, et que l’Esprit de Dieu habite en vous ? Le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous » [1Co 3,16-17]. C’est par notre baptême que nous sommes consacrés à Dieu pour être les temples de sa présence ; nous avons la mission d’être les signes de Dieu, les liens entre la terre et le ciel. Notre vie est celle de tout le monde, “les pieds sur terre”… mais le cœur déjà dans le Royaume de Dieu ! Notre manière de vivre doit être signe pour les hommes, comme le Temple était signe de la présence de Dieu.

Ce temps de Carême nous permet donc de nous rappeler que nous sommes consacrés ; en lien avec ceux qui, à Pâques, seront à leur tour consacrés à Dieu par le baptême. L’exigence du Carême, c’est de ne pas nous laisser profaner par le péché. Comme le Temple de Jérusalem, les chrétiens sont en même temps tournés vers Dieu et vers les hommes ; l’amour fraternel a sa source dans la Miséricorde de Dieu. Mais si au lieu de se tourner vers Dieu, on se tourne vers soi-même (vers son propre égoïsme, ses caprices, ses pulsions), alors on ne peut plus être tourné vers les autres. C’est ce que nous disaient les Dix commandements [première lecture] : se recentrer sur la présence de Dieu, L’adorer, Lui seul, c’est la condition pour faire le bien autour de nous.
Nous sommes le Temple de Dieu, le Temple de l’Esprit, consacrés à Dieu : notre vocation n’est pas d’être une « maison de commerce », mais d’être des adorateurs. Comme le Temple, comme Jésus Lui-même, nous sommes appelés à rendre gloire à Dieu ; et à transmettre aux hommes l’Amour qui vient de Dieu. Soyons pour nos frères les signes de la présence du Seigneur !

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Deuxième dimanche de Carême — Au centre, la Personne du Christ

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

En ce deuxième dimanche de Carême, l’Évangile nous montre un épisode mystérieux, auquel les trois Apôtres ne comprennent pas grand-chose : celui de la Transfiguration du Seigneur, cette lumière qui illumine Jésus et montre aux hommes la Gloire de Dieu. C’est une très ancienne tradition, que d’entendre ce récit presque au début du Carême. Ainsi, nous voyons très tôt quel est le but de notre chemin : la Résurrection, la Gloire du Christ ressuscité. Si nous parcourons cette route du Carême, ce n’est pas d’abord pour nous endurcir, pour nous fortifier (ni pour nous faire maigrir !) ; ni même pour nous rendre plus gentils ou plus généreux. Le but unique du Carême, c’est de nous faire revenir au Seigneur, et de nous conformer davantage à Jésus comme notre modèle. Tout le reste, ce sont des fruits de la ressemblance à Jésus. Les catéchumènes, qui se préparent au baptême, ont le même but pendant ce Carême : imiter Jésus pour être entièrement renouvelés, conformés à son image, lorsqu’ils recevront le baptême.

Dimanche après dimanche, nous sommes donc invités à nous recentrer sur la Personne de Jésus comme source, comme récapitulation de notre vie. Être chrétien, ce n’est pas avoir de belles idées ou une grande générosité : c’est d’abord se mettre à la suite de Quelqu’un, Lui ressembler, recevoir son Amour, pour en être témoin dans le monde.
En suivant Jésus au désert en ce temps de Carême, nous nous préparons donc avec Lui à la mort et à la Résurrection. Nous avons entendu le récit de l’offrande d’Abraham, qui donne son fils unique : c’est une anticipation de l’offrande de Jésus sur la Croix. Abraham offre son propre fils, comme Dieu notre Père nous donnera son Fils unique pour le salut du monde. Cette offrande débouchera sur la Résurrection. C’est pour cela que l’étape d’aujourd’hui est importante : elle nous montre déjà la Gloire de la Résurrection, la Victoire du Christ. Mais les Apôtres, qui seront pourtant envoyés pour témoigner de la Résurrection, ne comprennent pas de quoi parle Jésus (« ils se demandaient entre eux ce que voulait dire : “ressusciter d’entre les morts” »…).

Sur ce chemin de Carême, que signifie donc “ressembler à Jésus”, “L’imiter”, “être conformé à Lui” ? Tout d’abord, parce que nous sommes baptisés, nous sommes appelés à ressembler à Jésus dans sa Résurrection. Notre vocation, c’est la Résurrection, la Gloire de Dieu, la Lumière infinie qui éblouit les disciples et les émerveille. C’est aussi l’Éternité, la réconciliation avec Dieu et avec les hommes : Jésus retrouve aujourd’hui Moïse et Élie, qui représentent les croyants, les fidèles du Seigneur depuis le début. Cet appel de tous à vivre éternellement, nous ne devons jamais l’oublier. Nous ne vivons pas seulement pour ce monde, pour notre époque : nous sommes attendus par Jésus ressuscité, pour ressusciter avec Lui. Les chrétiens ont une Espérance qui dépasse les espoirs de ce monde !
Mais ressembler à Jésus – avant de ressusciter –, c’est aussi passer avec Lui par la mort. Saint Paul, dans sa lettre aux Philippiens [3,10], nous rappelle ce chemin de manière très forte : « Connaître le Christ, éprouver la puissance de sa résurrection, communier aux souffrances de sa passion, en devenant semblable à lui dans sa mort, avec l’espoir de parvenir à la résurrection d’entre les morts. » Pour un chrétien, la mort de Jésus, c’est d’abord un acte d’Amour : le don de sa vie. Donc passer par la mort du Christ, c’est avec Lui, donner notre vie par amour. Notre vie tout entière – et particulièrement le temps du Carême – consiste à aimer, à donner de soi. On n’aime pas “à moitié”, en dilettante, ni à l’essai : on n’aime véritablement que jusqu’au bout, au prix de sa vie, en faisant de sa vie un don. C’est cela “se conformer au Christ”, Lui ressembler : donner sa vie par amour. En vivant ainsi, c’est déjà la Lumière de la Résurrection qui passe à travers nous.

Le Carême nous rappelle ainsi que le chemin de la vie est nécessairement un chemin d’amour et de générosité, qui peut nous faire passer par la Croix avec Jésus. Pour aimer, il faut choisir d’aimer ; renoncer à l’égoïsme et au “chacun pour soi”. Il faut donc en même temps lutter contre l’orgueil, se battre contre le mal et la tentation.
Le Carême est donc un combat pour laisser entrer en nous la Lumière de Dieu ! À l’image de Jésus, il s’agit de se laisser habiter par l’Esprit Saint, de rayonner l’Amour du Seigneur, de témoigner de la foi. Dès maintenant, comme Jésus, nous pouvons anticiper la Résurrection ; montrer aux hommes par notre amour, par notre manière de vivre, le Visage de Dieu : refléter la Lumière de Dieu.

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Sixième dimanche du Temps Ordinaire — Nos maladies et la grâce du Seigneur

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

Nous voici au dernier dimanche avant que ne commence le Carême, et l’Église nous propose un récit de guérison. Or c’est justement le thème principal du Carême : la guérison que le Seigneur veut opérer en nous. Il veut que nos cœurs soient guéris, Il nous propose sa force de vie, le soulagement par rapport à ce qui entrave notre chemin vers Lui. Dans tout l’Évangile, Jésus apporte aux hommes cette force de vie, qui est la Bonne Nouvelle du Salut : c’est pourquoi comme nous l’avons entendu, « de partout on venait à lui ». Les foules affluent vers le Sauveur qui est porteur de la Grâce de Dieu et de la délivrance.

Celui que Jésus guérit aujourd’hui est affligé d’une terrible maladie, la lèpre. Dans l’Évangile, cela a un sens profond : à travers cette souffrance du malade, on reconnaît la maladie dont Jésus est venu nous guérir, c’est-à-dire le péché et la séparation de Dieu. La lèpre est comme une maladie “symbolique” : elle représente l’impureté de l’homme face à Dieu. C’est pourquoi, comme nous l’avons entendu dans la première lecture [Livre du Lévitique], la Loi de Moïse est extrêmement sévère et précise sur la manière dont les malades de la lèpre doivent se comporter. Non seulement cette maladie est contagieuse, mais elle déforme le corps humain : l’image de Dieu que l’homme porte en lui, est dénaturée. Le péché, lui aussi, déforme l’image de Dieu que nous sommes ; il nous empêche d’être pleinement ressemblants avec Jésus, et abîme notre qualité d’enfants de Dieu. En guérissant ce lépreux, Jésus affirme sa victoire sur le Mal et sur le péché.
Mais la lèpre, bien sûr, n’est pas seulement un symbole. Il s’agit d’une maladie très réelle, très concrète qui existe toujours dans le monde, et qui engendre de grandes souffrances. Nous avons d’ailleurs prié pour les malades de la lèpre, lors de la Journée mondiale des lépreux (il y a deux semaines). Et aujourd’hui, en ce dimanche de la santé (fête de Notre-Dame de Lourdes), nous sommes ramenés à cette dimension très concrète de nos maladies corporelles ; nos corps sont fragiles, précaires, nous sommes faibles et nous vieillissons… L’Évangile nous parle du péché, mais il est aussi très réaliste sur notre condition humaine : Jésus a accompagné des malades, Il a vécu des deuils, Il a souffert Lui-même dans son corps.

À travers cette dimension concrète, nous comprenons qu’il y a un lien entre la fragilité de notre corps et le péché qui nous blesse. Dans l’Évangile, Jésus guérit ensemble les corps et les cœurs ; par exemple dans l’épisode bien connu du paralytique [Mc 2,5], avant de guérir le malade, Il commence par lui donner le pardon. La maladie, la faiblesse du corps, est en relation avec la blessure du cœur qu’on appelle le péché. Naturellement, cela ne veut pas dire que les malades seraient plus pécheurs que les autres, ni que la maladie serait une punition pour les péchés ! Jésus réfute avec vigueur ce raccourci [p.ex. dans Jn 9,3, où les disciples se demandent quel péché a commis un homme pour être aveugle] : non, les malades ne sont pas frappés par Dieu pour leurs péchés. Mais mystérieusement, le péché de l’homme introduit un désordre, une séparation entre Dieu, nous, notre âme, notre corps : le corps ne nous obéit plus, il se fragilise, se dérègle, il n’exprime plus l’amour pour lequel il est destiné.

Face à cette fragilité, face à la souffrance qui en découle, on peut se révolter : si Dieu était bon et tout-puissant, il n’y aurait pas la maladie ni la mort ! Et encore, de la même manière, si Dieu était Amour, il n’y aurait pas non plus le mal, la violence et la guerre. Mais si Jésus est venu nous guérir, c’est dans notre âme et dans notre corps ; et pour cela, Il a choisi de prendre cette souffrance sur Lui. Dans l’Évangile la guérison a l’air facile : Jésus dit tout simplement : « Je le veux, sois purifié ». Mais s’Il dit cela, c’est parce qu’Il accueille en Lui cette souffrance, qu’Il la porte sur ses épaules avec la Croix. Les malades ne sont pas punis par Dieu : bien au contraire, ils sont ceux dont Jésus se fait le plus proche dans leurs souffrances.
En ce dimanche de la santé, si nous voulons être disciples du Christ, il s’agit d’imiter son attitude avec nos frères malades [cf. saint Paul dans la deuxième lecture : « Imitez-moi, car moi aussi j’imite le Christ »]. Se révolter face à la maladie d’un proche, c’est encore rester “extérieur” à la souffrance. Nous, baptisés, nous sommes invités à prendre le mal sur nous comme Jésus ; à nous faire tellement proches, que nous pouvons souffrir avec nos frères [« compassion »]. Depuis deux mille ans, l’Église transmet aux malades l’amour de Jésus ; à Lourdes, comme dans tous les lieux où on s’occupe des malades (et dans nos paroisses, par les visites aux malades et par le sacrement des malades), c’est la Grâce de Dieu qui agit continuellement sur les cœurs pécheurs et sur les corps fragiles. Soyons témoins de la Victoire de Jésus sur la maladie, sur le mal et sur la mort.

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Quatrième dimanche de l'Avent — Accueillir librement la venue du Seigneur

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

C’est déjà Noël ce soir [ou demain] ! La venue du Christ est désormais toute proche, et ce dimanche nous est donné comme un “prélude” à sa naissance. La Bonne Nouvelle de l’arrivée du Messie avait été cachée pendant des siècles, nous a dit saint Paul [deuxième lecture] : ce secret de Dieu, qui nous aime jusqu’à vouloir partager notre nature, est désormais révélé aux hommes. Le Christ vient parmi nous : la joie est déjà là, car nous allons revivre cet événement avec Marie, avec Joseph, avec les bergers, les Mages, et tous les témoins qui nous ont transmis l’Évangile.

Comme dernière étape avant Noël, l’Église nous propose aujourd’hui le récit bien connu, et toujours merveilleux, de l’annonce faite à Marie par l’ange Gabriel. Ce qui semble extraordinaire dans cet épisode, c’est le contraste entre la simplicité de Marie, et l’événement qui lui est annoncé. Il s’agit d’une simple jeune fille, dans un village guère connu ; une adolescente à peine fiancée, toute pauvre, qui va devenir Mère du Roi des cieux. Et même si Marie est encore si jeune, Dieu va s’adresser à elle avec un immense respect. Les merveilles que le Seigneur veut donner au monde, Il ne les envoie pas sous la contrainte, ni en donnant des ordres : Il envoie son ange pour s’entretenir avec Marie, pour dialoguer avec elle, et pour lui demander si elle accepte la mission qui lui est confiée.
Ce qui domine dans le récit de l’Annonce, c’est la liberté de Marie. Elle pose des questions, elle veut comprendre la parole de l’ange ; et lorsqu’elle a bien saisi ce qui lui est proposé, elle répond de tout son cœur, de toute son âme : « Voici la servante du Seigneur : que tout m’advienne selon ta parole ». Si le Fils de Dieu est accueilli dans ce monde dans le sein de Marie, c’est par ce premier acte de liberté, cet acte d’amour et de confiance ; et cette liberté d’accueil vient en quelque sorte “réparer” l’acte de méfiance et de refus dont parle le livre de la Genèse dans le récit d’Adam et Ève. Le Seigneur respecte avant tout notre liberté, et Il ne veut en aucun cas nous sauver sans notre accueil et notre consentement. Tout ce que fait Marie, c’est accueillir cette annonce, accueillir en elle la présence de Dieu qui vient sauver l’humanité.

Pour participer au Salut, pour vivre de l’Amour du Seigneur, il n’y a pas besoin de faire de grandes choses : il suffit, comme Marie, d’accueillir le projet du Seigneur et de dire un vrai « oui », un « oui » sincère et libre. C’est sans doute pour cela que Noël est une fête qui ravive en nous l’esprit d’enfance, une fête destinée d’abord aux enfants : parce que l’enfant est celui qui accueille, qui ne prétend pas être plus fort que les autres, mais qui reconnaît qu’il est tout petit : il sait très bien que sans ses parents, il ne peut rien faire. Marie est bien consciente qu’elle ne doit pas sa vocation à ses propres mérites, mais au don gratuit de Dieu : elle accueille la parole de l’ange comme un petit enfant.
Le roi David [première lecture], lui aussi, a dû apprendre à ne pas mettre sa confiance dans sa puissance. Avec son or et son argent, il voulait construire une maison pour le Seigneur. Plein de bonne volonté, il se disait qu’il était assez fort pour “rendre service” à Dieu. Mais la réponse du prophète envoyé par Dieu est claire : ce n’est pas l’homme qui fait des dons au Seigneur, c’est le Seigneur qui sauve les hommes. Le roi David ne va pas bâtir un Temple pour le Seigneur ; mais Dieu va construire une « maison » pour David, ce sera sa descendance, sa royauté, la promesse qui s’accomplira en Jésus.

À la veille de Noël, le Seigneur nous invite donc d’abord à L’accueillir. Que notre fête de Noël ne soit pas habitée par des préoccupations, des soucis qui nous empêcheraient de contempler le Nouveau-né : soyons d’abord soucieux de bien accueillir le Sauveur dans un cœur pur. Si nous voulons “tout faire”, la fête sera peut-être bien préparée, mais il manquera l’essentiel. En mettant le Seigneur à la première place, cette Nuit de Noël sera transfigurée par l’Amour et la joie. Comme Marie, si nous restons “tout petits” et si nous L’accueillons librement, le Seigneur « fera pour nous de grandes choses » ! [Lc 1,49] Il a accompli sa promesse pour le roi David, pour Marie… Il veut continuer d’accomplir cette promesse pour nous. Préparons-nous à la venue du Sauveur !

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Troisième dimanche de l'Avent — Joie d'être tournés vers le Christ

Avant de lire l'homélie, je médite les lectures de ce jour.

À une semaine de Noël, ce qui domine, c'est déjà la joie. On le voit par la couleur particulière de la messe de ce matin ; par la prophétie d'Isaïe [première lecture] : « Je tressaille de joie dans le Seigneur ! » ; et aussi par le conseil de saint Paul [deuxième lecture] : « Soyez toujours dans la joie, rendez grâce en toute circonstance ». Comme l'Avent est très court cette année, nous avons à peine eu le temps de nous préparer… et voici que la grande fête de Noël est déjà presque là. Notre joie à l'approche de la sainte Nuit n'est pas une joie artificielle, on n'a pas à "se forcer" à être joyeux : c'est le cœur qui parle, l'émerveillement devant l'Enfant que nous allons contempler. Plus que jamais quand vient Noël, le Royaume des cieux appartient à ceux qui ont une âme d'enfant !

Comme dimanche dernier, c'est à nouveau la figure de Jean le Baptiste qui chemine avec nous aujourd'hui : il est le prophète qui désigne le Christ aux hommes. Comme dit l'Évangéliste, « il n'est pas la Lumière », mais il rend témoignage à la vraie Lumière : la joie de Jean, c'est de rendre témoignage. Vue de l'extérieur, la vocation de Jean est assez étrange. Il semble attirer à lui des foules de gens, puisqu'il est au désert et que les gens viennent « de Jérusalem et de toute la Judée pour le voir et se faire baptiser par lui » [Mc 1,5 ; Évangile de dimanche dernier]. Il pourrait donc devenir célèbre, fameux, avoir du succès ; il pourrait rassembler autour de lui et devenir un chef spirituel, un "gourou"… mais ce n'est pas ce qu'il veut, ce n'est pas sa vocation. Les foules qui viennent à lui, il ne les garde pas : il les envoie vers « Celui qui se tient au milieu de vous », Celui qui vient et que nous attendons.
La "raison d'être" de Jean, sa joie la plus grande, c'est de conduire à Jésus. Un peu plus tard, il dira une parole très profonde : « Telle est ma joie, elle est parfaite. Lui, il faut qu'Il grandisse, et moi, que je diminue » [Jn 3,30]. Jean ne trouve pas sa joie dans la célébrité, la renommée, l'admiration : mais au contraire, il trouve son accomplissement dans la référence à Jésus. Il ne cesse d'envoyer vers le Sauveur qui vient : « Préparez le chemin du Seigneur », « c'est Lui qui vient derrière moi ».

Jean a une vocation particulière, mais pour nous tous, son exemple est une magnifique leçon de vie. Car nous non plus, notre joie ne se trouve pas d'abord dans la référence à nous-mêmes ("auto-centrés") ; mais dans la relation, dans l'orientation vers Quelqu'un. Si nous cherchons notre épanouissement en nous centrant sur notre Moi, nous nous faisons illusion, et nous finirons par nous enfermer dans le malheur égoïste. Jean nous apprend à nous décentrer pour accueillir Celui qui vient ; c'est un enseignement essentiel pour l'Avent, mais aussi pour le reste de l'année.
Ce que nous montre Jean le Baptiste, c'est en fait tout simplement l'expérience de l'Amour. On trouve sa joie – et même sa dignité – à partir du moment où l'on accepte de ne plus être le centre du monde. C'est en même temps un paradoxe (c'est le paradoxe de l'Évangile), car pour se trouver réellement, il faut accepter de perdre de vue son propre confort ; il faut arrêter de "se chercher soi-même" ! Nous sommes créés à l'image de Dieu, rendus capables d'aimer, de donner, de nous donner. Nous avons certainement tous fait cette belle expérience de passer une journée très occupée dans le souci des autres, dans une activité bénévole ou familiale : et à la fin de la journée, ce qui domine au milieu de la fatigue, c'est la joie. Joie d'avoir donné, joie d'avoir été exactement là où nous devions être, joie d'avoir fait ce pour quoi nous existons. L'accomplissement de notre vocation, c'est comme Jean Baptiste, d'être orientés vers le Christ : d'être là où nous sommes appelés à être. C'est là que Jean trouve sa vraie joie, et nous aussi.

Le chemin de la préparation de Noël, pour nous comme pour Jean Baptiste, c'est donc d'être tournés vers le Christ, dans l'attente de sa venue : c'est là où nous aussi, nous trouvons notre vraie joie, qui dépasse les difficultés du monde. Être tournés vers Jésus : comme Marie et Joseph qui partent à Bethléem, quittent le confort de leur maison pour aller vers l'inconnu. Ils ressentent de l'inquiétude, mais en profondeur ils sont dans la vraie joie ; car ce qu'ils font, ils le font pour l'Amour du Seigneur. Ils sont là où le Seigneur les appelle, et ils y trouvent la paix et la joie.

À nous de donner ce témoignage à notre entourage, en cette dernière semaine avant Noël : l'attente de sa venue nous rend paisibles et joyeux. Saint Paul l'écrivait tout à l'heure : « Soyez toujours dans la joie, priez sans relâche ; que votre esprit, votre âme et votre corps, soient tout entiers gardés sans reproche pour la venue de notre Seigneur Jésus Christ ». Montrons au monde la joie d'être tournés vers Jésus !

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Premier dimanche de l'Avent — Tendus vers le Seigneur

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures du jour.

« Restez éveillés, vous ne savez pas quand viendra le Seigneur ! ». C’est par ces paroles que commence notre premier dimanche de l’Avent, donc toute notre année liturgique jusqu’à novembre prochain. Le cycle des fêtes du Seigneur, des célébrations diverses de l’année, est marqué dès le début par un appel clair de Jésus : soyez vigilants, ne vous endormez pas, car je reviendrai un jour. Le temps de l’Avent, particulièrement, est un temps d’attente, puisque nous commençons notre marche vers Noël. Bien sûr, nous savons exactement quand aura lieu la fête de Noël ! Mais notre Avent rappelle l’attente d’une chose imprévisible : l’avènement du Seigneur.

Dans la tradition spirituelle de l’Église, on distingue symboliquement trois avènements du Seigneur, qui nous appellent à la fidélité. Le premier, c’est celui dont nous ferons mémoire à Noël, la venue du Fils de Dieu dans notre nature humaine : celui qu’attendait le peuple d’Israël depuis les prophètes. L’autre avènement, c’est celui que nous attendons encore : celui qui viendra à la fin des temps, pour lequel Jésus nous a appelés à veiller : « Vous ne savez pas quand ce sera le moment ». Et entre ces deux avènements, il y a la venue quotidienne du Seigneur dans notre vie : l’avènement que nous avons à accueillir jour après jour dans un cœur converti, pour vivre en sa présence. Si nous ne savons pas accueillir maintenant le Seigneur, recevoir l’Esprit saint dans l’amour, dans la joie quotidienne de son action, alors il est probable que nous ne pourrons jamais L’accueillir lorsque sa venue sera définitive.
C’est pourquoi il est si important de veiller, d’avoir une attitude d’attente. Être chrétien, c’est attendre, espérer, ressentir un certain manque par rapport à ce que le Seigneur nous promet. Dans notre cœur se trouve un désir d’amour, une Espérance qui ne sera pleinement apaisée que lorsque nous verrons le Seigneur. Les chrétiens doivent être “toujours insatisfaits”, car ils sont sans cesse en chemin ; jamais on ne peut s’endormir sur sa bonne conscience, ni se satisfaire de son petit confort. Se dire : « Je suis tranquille, j’ai fait tout ce que je devais faire, je suis quelqu’un de bien », ce n’est pas un comportement de disciple de Jésus.

L’Évangile nous appelle à être réalistes, c’est pourquoi nous ne pouvons pas nous endormir. D’abord, bien sûr, le mal existe, il est actif tout autour de nous, la souffrance est présente dans la vie du monde : cela nous interdit l’égoïsme, l’indifférence, l’insouciance. Ensuite, nous comprenons que nous sommes complices du mal : notre chemin de vie doit être un chemin de conversion, un désir toujours croissant de rejeter le mal pour choisir le Seigneur. Et puis enfin, il s’agit de prendre conscience que nous ne sommes pas les sauveurs du monde : Celui qui est seul capable de vaincre le péché et la mort, c’est le Seigneur dont nous attendons la venue. En nous existe une soif de bien, une soif d’amour, une tension vers Dieu, qui ne pourra être comblée que par le dernier avènement du Christ.
Cette attitude d’attente, de désir, d’insatisfaction, n’est certes pas confortable ! Mais elle est profondément ancrée dans la foi chrétienne. Jamais les chrétiens n’ont pu se satisfaire d’un état de choses, ou considérer que le Royaume de Dieu était enfin établi. Même aux époques, par exemple dans l’Europe médiévale, où tout le monde était chrétien des rois aux plus humbles, l’Église n’a jamais prétendu faire une société idéale ni le Royaume des cieux sur la terre. Les grandes dictatures du XXe siècle, les utopies, ont voulu construire une société idéale (en éliminant les opposants !). Ce projet est inhumain, car seul le Christ peut combler notre désir d’amour et de paix.

Nous sommes donc toujours en marche, toujours dans le désir et l’attente. L’Avent nous donne quatre semaines [ou seulement trois cette année, car Noël tombe un lundi] pour creuser cette attente et contempler, à Bethléem, Celui qui vient répondre à nos désirs. Notre attente se fait proche de l’attente du peuple d’Israël, dont témoignait le prophète Isaïe [première lecture] : « Ah, si tu déchirais les cieux, si tu descendais ! ». Le peuple juif s’est bien rendu compte, au fil de son histoire, que le péché continuait de dominer : même avec des rois appelés par Dieu et consacrés par l’onction, même avec le Temple de Jérusalem, Israël demeurait un royaume de pécheurs. Dieu seul peut sauver, sanctifier son peuple : c’est le Messie, l’envoyé de Dieu, qui délivrera les Israélites.

En cet Avent, nous attendons donc le seul Sauveur, Celui qui réconciliera définitivement l’homme avec son Dieu. Il nous suffit de veiller, de ne pas nous endormir sur ce chemin, mais de chercher à ressembler toujours plus à Jésus : accueillons l’avènement du Christ dans notre vie, pour L’accueillir pleinement dans la joie de Noël !

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Fête de la Toussaint — Être vraiment « heureux »

Avant de lire l’homélie, je médite les lectures de cette grande fête.

« J’ai vu une foule immense, que nul ne pouvait dénombrer », écrit saint Jean dans l’Apocalypse, en relatant tout ce que le Seigneur lui a révélé. Cette vision de Jean, ces gens debout devant le trône de Dieu, vêtus de robes blanches, ce sont tous les Saints que nous honorons aujourd’hui. Les grands Saints, les petits Saints… les connus et les inconnus, les célèbres et les invisibles ; ceux que nous avons peut-être rencontrés de leur vivant, une grand-mère discrète, un voisin dévoué… qui sont aujourd’hui dans la Lumière de Dieu et qui prient pour nous. Saint Jean nous dit donc que c’est une « foule immense », ce qui est plutôt rassurant ! Parmi ces myriades de Saints, nous espérons qu’il y aura une petite place pour nous ; si de notre côté, nous laissons toute sa place au Seigneur dans notre vie.

Que faut-il faire pour être saint ? Cela devrait être la seule question qui nous occupe chaque jour – et pas seulement le jour de la Toussaint. La sainteté, ce n’est pas réservé à une élite : nous sommes tous, par notre baptême, appelés à être des Saints. Souvenons-nous de ce qu’écrit saint Pierre en citant l’Ancien Testament : « Soyez saints, comme Dieu est Saint » [1P 1,15]. Il n’y a donc pas “deux catégories” de baptisés, l’élite et le troupeau ! De même qu’il n’y a pas non plus de rupture entre la vie sur terre et la Vie éternelle, car nous sommes déjà entrés dans l’Éternité par notre baptême. Nous sommes déjà des Saints car nous sommes ressuscités avec Jésus ; et nous sommes appelés à mettre en pratique, de plus en plus, l’appel à la sainteté, jusqu’au moment de notre rencontre définitive avec le Seigneur.
Aujourd’hui, jour de la Toussaint, l’Église nous fait entendre l’un des passages les plus connus de l’Évangile selon saint Matthieu : ce sont les Béatitudes, ces paroles qui commencent par le même mot à chaque phrase : « Heureux » (beati en latin). Être « heureux », c’est la vocation de tout chrétien, non seulement dans l’Éternité mais dès maintenant. Les Saints sont ceux qui ont pris au sérieux cet appel au bonheur ; ils ont décidé d’être heureux, et ont choisi de suivre le Seigneur pour vivre ce bonheur. On pourrait croire, si on lit rapidement les Béatitudes, qu’il s’agit surtout d’être “malheureux dans cette vie” pour être heureux au Ciel : comme si Jésus nous disait : « Tant mieux si vous êtes pauvres, misérables, si vous pleurez : car je vous donnerai un jour le bonheur ». Non, ce n’est pas par ce chemin qu’on devient Saint : être disciple de Jésus n’est pas rechercher le malheur ! Ces paroles nous invitent en fait à discerner, à rechercher le vrai bonheur ; car il y a différents niveaux de bonheur, et certains ne sont pas à la mesure de notre cœur.

Quand Jésus nous dit : « Heureux », Il décrit un style de vie qui est d’abord le sien. Jésus a vécu tout cela ; Il a vécu la pauvreté, la douceur, la miséricorde, à un degré unique. Les Béatitudes ont l’air de contredire ce qui nous semble naturel : on n’a pas envie d’être pauvre ni de pleurer, et encore moins d’être persécuté ! Et pourtant, Jésus a traversé tout cela – jusqu’à mourir sur la Croix – en restant dans la « Joie parfaite » [Jn 15,11], car Il est établi dans l’Amour de son Père. Ce qu’Il nous dit, c’est que les “petits bonheurs” de l’existence ne nous suffisent pas. Il est si facile de se cantonner aux petits plaisirs de la vie, à un confort égoïste, à la sécurité de nos richesses ! Mais notre cœur est plus grand que cela ; nous pressentons que le vrai bonheur doit dépasser ces choses de la vie quotidienne. L’expérience de l’amour nous montre qu’il y a dans nos cœurs un désir d’infini.
Notre vraie vocation est celle du bonheur, qui est finalement la même chose que la sainteté. Chercher le bonheur en Dieu, dès maintenant, nous ouvre en même temps au bonheur dans l’Éternité. Les Saints, quand ils étaient parmi nous, ont été entièrement libres ; ils ont refusé de dépendre des satisfactions trop faciles ; ils ont choisi d’aller toujours plus loin dans l’Amour, ils ont voulu aimer et se laisser aimer par le Seigneur. « Heureux les pauvres » : ils se sont dépouillés de leurs orgueils. « Heureux ceux qui pleurent » : pleurer, c’est faire l’expérience de celui qui aime et n’est pas aimé en retour ; c’est l’expérience de Jésus Lui-même, qui fait de son Amour un chemin de vie. « Heureux les miséricordieux », c’est-à-dire ceux dont le cœur se fait proche des misères des hommes : le vrai bonheur n’est pas dans l’indifférence mais dans la proximité.

Comme nous l’a encore dit saint Jean [deuxième lecture], « nous sommes déjà enfants de Dieu » ; et c’est la source du vrai bonheur. Il ajoute que cela ne se voit pas encore : être disciples du Christ nous met toujours en décalage par rapport au monde ! L’Amour de Dieu dérange nos égoïsmes, mais : « Heureux les persécutés » : ils sont saints, ils sont heureux pour l’Éternité.