Nous sommes tous en chemin

Nous sommes tous en chemin

Homélie

Nous sommes tous en chemin Homélie

La conversion aura été le thème dominant de ce pèlerinage à La Salette. C’est ce pour quoi existe ce sanctuaire : pour nous encourager à prendre au sérieux l’amour de Dieu et sa Parole, et pour nous laisser réconcilier avec Lui. Dieu veut notre bien, c’est pourquoi Il nous reprend, Il nous éprouve, Il nous invite à revenir à Lui. « S’ils se convertissent les pierres et les rochers deviendront des monceaux de blés… », dit la Vierge Marie à Maximin et Mélanie en ce lieu même, le 19 septembre 1846. Nous pouvons actualiser le message en paraphrasant ce que disait la Belle Dame aux enfants : si nous nous convertissons, nous humains du XXIe siècle, les épidémies reculeront, la crise écologique sera surmontée, l’économie mondiale deviendra plus solidaire, les tensions entre pays s’apaiseront, et l’humanité trouvera le chemin de son avenir.

À travers la parabole qu’Il propose aux grands prêtres et aux anciens, Jésus révèle que la vraie conversion incite la personne à se repentir de ses refus d’écouter et d’obéir à Dieu et l’invite à faire la volonté du Père. Dimanche dernier, une autre parabole de Jésus évoquait un homme qui embauchait des ouvriers pour travailler à sa vigne. Ici c’est un père qui demande à ses fils d’aller travailler à la vigne. Ce père responsabilise ses fils, il leur fait confiance en les associant à son travail. Il les voit comme des collaborateurs. C’est ainsi que Dieu a créé l’être humain et l’a établi dans ce monde pour qu’il le cultive et le garde. Il lui a confié la création visible pour qu’il lui fasse porter du fruit. C’est ainsi que, en cette période de l’histoire humaine, Dieu notre Père nous demande de travailler à son œuvre de création et de rédemption. La vigne aujourd’hui pour nous enfants de Dieu, c’est le monde, c’est la planète, l’économie, la culture, l’éducation des jeunes… tout ce qui concerne l’être humain et son cadre de vie ; c’est aussi l’évangélisation, le souci des plus fragiles et des plus pauvres.

Le premier fils de la parabole déclare son refus de travailler à la vigne, puis finit par accomplir la volonté du père, après s’être repenti. Sans doute a-t-il pris conscience de l’impasse dans laquelle le mettait son refus. La parole de son père a fait son chemin en lui. Il est assez humble pour se repentir et pour faire la volonté du père.

L’autre dit « oui », mais ne fait rien. Il s’établit dans une forme de mensonge, puisqu’il se présente comme obéissant sans pour autant faire la volonté du père. La conversion n’est pas dans les discours, mais dans l’écoute de la Parole de Dieu, dans l’obéissance à sa Parole par les actes. Beaucoup de gens sont pleins de bonnes idées pour améliorer le monde, pour changer l’Église. En période de crises multiples, il est impressionnant de constater le nombre de personnes qui ont les solutions. En général, ce sont des personnes qui ne sont pas en responsabilité et qui ne veulent pas s’engager. Certains sont même prêts à dire à Dieu ce qu’il faut faire : « La conduite du Seigneur n’est pas la bonne », disaient les interlocuteurs du prophète Ezéchiel. Elle n’est pas la bonne pour eux parce qu’elle ne correspond pas à leurs idées, parce qu’elle les oblige à se décentrer d’eux-mêmes pour entrer dans les vues de Dieu. Ils ne suivent que leurs idées, ne se sentent pas concernés par l’appel à la conversion. C’est ce que Jésus reproche aux grands prêtres et aux anciens qui n’ont pas cru à la parole de Jean-Baptiste et ne se sont pas repentis, tandis que des pécheurs publics comme les publicains et les prostituées ont écouté, ont cru, se sont repentis pour faire la volonté de Dieu.

Jésus, le Fils unique du Père nous a montré le chemin de la conversion. Il a renoncé à sa condition divine pour se faire semblable aux hommes. Il s’est anéanti, Il s’est abaissé par obéissance filiale, par amour de la volonté de son Père et par amour des hommes. L’obéissance filiale est l’amour filial en acte. Jésus s’est engagé totalement pour accomplir le dessein de son Père et pour l’humanité. La conversion est décentrement de soi et engagement par amour : pour Dieu, pour le prochain, pour la terre. Cet engagement se vit à partir de l’écoute de la Parole de Dieu, en entrant dans les vues de Dieu, en collaborant avec Lui pour réaliser son dessein d’amour. L’obéissance à la volonté du Père, l’obéissance comme amour filial, est le cœur de la conversion. Jésus a pris sur Lui tous nos refus et Il les a dépassés et anéantis par son obéissance filiale. Par son Esprit saint, Il agit en nous, Il éclaire notre intelligence, libère notre volonté, stimule notre liberté à dire « oui » à la volonté du Père pour sa gloire et pour le salut du monde.

La conversion ne concerne jamais que les autres. Elle concerne chacun d’entre nous, et elle est un chemin jamais achevé, ici-bas. C’est ce que nous laisse entendre la première lecture. Un juste peut se détourner de sa justice. Aussi, nous ne pouvons donc pas classifier les gens entre les bons et les méchants, les justes et les pécheurs, les donneurs de leçons et les ignorants. Attention à ne pas être de ceux qui se pensent justes et qui sont toujours prêts à culpabiliser les autres. « Ayez assez d’humilité pour estimer les autres supérieurs à vous-mêmes » disait saint Paul dans la deuxième lecture. Nous sommes tous en chemin, implorant la lumière de Dieu et sa force pour faire le bien qu’Il nous a demandé de mettre en œuvre. Dieu seul peut faire de nous des justes. Le baptême et la pratique dominicale ne sont pas une garantie de nous trouver dans le clan des justes. Dieu connaît les cœurs et sait quels sont ceux qui cherchent humblement sa volonté et la mettent en pratique. Il m’arrive souvent de nous inviter à chercher la volonté de Dieu sur chacun de nous, sur nos paroisses, sur notre diocèse. Si nous voulons travailler à une amélioration de notre monde, c’est la première chose à faire. Pour cela, l’écoute de la Parole est centrale. Demandons à Marie de nous apprendre à écouter son Fils, à discerner la volonté de Dieu et à la mettre en œuvre pour que les rochers les plus durs et les plus stériles deviennent des monceaux de blé.

† Guy de Kerimel, évêque de Grenoble-Vienne